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pensent autant. Un imposant cortège populaire conduit ensuite le Président du Conseil au Quirinal, où la famille royale parait au balcon, et de là au palais Braschi. Le 27, réunion publique à l’Augusteo et procession pour réclamer l’annexion de Fiume et de la Dalmatie. Le soir, revient M. Sonnino, chaleureusement accueilli, bien que par une foule beaucoup moins dense qu’à l’arrivée de M. Orlando. Son automobile est escorté par les manifestants jusqu’à la Consulta, où, du balcon, en quelques mots prudents, il les remercie, les félicite de leurs sentiments patriotiques et fait appel à l’union de tous les Italiens. Ce silencieux et ce taciturne doit aux circonstances une heure fugitive de popularité. Les journées suivantes se renouvellent encore, comices, discours et défilés. En province, pas une ville qui ne fasse écho aux clameurs de la capitale.

L’abus des démonstrations de la rue leur enlève en Italie une partie de leur valeur démonstrative. Mais, déduction faite du déchet, le reste n’est pas, cette fois, insignifiant ; la sensation n’est pas seulement à la surface. On en a taxé la manifestation extérieure d’explosion du nationalisme, de l’impérialisme. Ce n’est pas juste. Qu’il y en eût une bonne dose, ce n’est pas douteux, Mais il y avait aussi autre chose : de l’émotion patriotique sincère, du sentiment national froissé. Si M. Wilson avait espéré séparer le peuple italien de ses dirigeants, il ne pouvait pas s’être trompé plus lourdement. Il avait réuni, autour du Gouvernement, toute la nation, dans un élan unanime de protestation contre lui-même. Son acte avait obtenu un effet diamétralement opposé à celui qu’il semble en avoir attendu : une poussée des tendances à l’encontre desquelles il avait voulu aller. La réaction contre son attitude n’avait profité qu’aux intransigeants. Céder, transiger n’en était devenu que plus difficile au Gouvernement. Personne qui ne se gardât de prendre contre le pays le parti de l’étranger. M. Bissolati proclamait publiquement, et à juste titre, qu’il avait toujours dénié Fiume à la Yougo-Slavie. Les socialistes-officiels, — les unifiés d’Italie, — invités par les labouristes d’Angleterre et la C. G. T. de France à se solidariser avec l’humanitarisme renonciataire, répondaient aux compagnons anglais et français qu’ils n’admettaient pas un wilsonisme unilatéral, rigoureux à l’Italie et accommodant aux autres États.

Cependant, on ne confondait pas les Alliés avec l’associé à