Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/366

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

convenait toutefois de l’en avertir par courtoisie et ce fut fait.

Il était d’ailleurs impossible de choisir une base différente. Les autres ports de la côte orientale, tels que Spalato ou Raguse, ne pouvaient être utilisés par l’armée d’Orient, tant parce que leur outillage était défectueux que parce qu’ils ne possédaient pas des communications suffisantes avec l’intérieur.

On commença donc à procéder aux installations. Elles se heurtèrent aussitôt aux résistances des autorités militaires italiennes et des pouvoirs civils locaux.

Sans doute le commandant de notre détachement et de notre base, le général Tranié, disposait-il du droit de réquisition, accordé à l’occupant dans toute zone occupée en vertu d’un armistice. Mais, en pratique, l’exercice de ce droit nécessitait, pour être efficace et exempt d’incidents, la bonne volonté du général italien, le général Grazzioli, commandant supérieur de la garnison interalliée, et au moins la soumission du Conseil national[1], qui gouvernait la ville en s’appuyant sur le commandement italien. Nous ne reconnaissions à ce conseil national aucun pouvoir légal ; mais les pouvoirs de fait qu’il exerçait ne lui permettaient pas moins de contrecarrer l’exécution des ordres du général Tranié. Or ni le général Grazzioli et ses subordonnés, ni le Conseil National à sa dévotion ne virent d’un œil favorable une importante base française, avec tout ce qu’un tel établissement comporte de personnel et d’aménagements, venir s’adjoindre au détachement français d’occupation.

Déjà la seule cohabitation des deux contingents alliés avait suscité des difficultés. Conflits d’attribution entre les chefs ; les Italiens, portés à se considérer comme chez eux, prétendant disposer de tout, autoriser ou interdire à leur gré, régenter à terre et sur rade, accaparer matériel naval, stocks, approvisionnements ; les Français, faisant valoir leurs droits et s’efforçant de maintenir le caractère international de l’occupation. Incidents entre subordonnées des deux commandements, chacun exécutant sa consigne. Pour faire place à la base, il fallut bien autrement jouer des coudes. Pas un quai dont voulût le général Tranié et qui ne se trouvât précisément indisponible ;

  1. Après le départ des autorités hongroises, le pouvoir avait été pris à Fiume par une municipalité yougo-slave, nommée sans élections régulières et remplacée, après le débarquement des troupes italiennes, par un conseil national italien, également nommé sans élections régulières.