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action. Leur tâche propre a consisté à aborder la question par son côté le plus difficile : à entrer en rapports avec les Yougoslaves, le seul des peuples opprimés par nos ennemis avec lequel s’entendre fût malaisé aux Italiens ; à jeter les bases d’un accord avec ce peuple ; enfin à donner, par la solennelle manifestation du Capitole, un notable retentissement à la politique des nationalités. Et le premier résultat qu’ils aient atteint, — demeuré le seul par la suite, — a été de faire apparaître une conception nouvelle de l’intérêt italien : une conception moins rigide que celle dont s’était inspirée la Convention de Londres, se réclamant de l’idéal mazzinien, se proposant un bénéfice moral, en même temps que matériel, plaçant les relations de bon voisinage avec la Yougo-Slavie au-dessus de certains agrandissements territoriaux, demandant la sauvegarde du caractère national, dans des agglomérations relativement distantes de la mère-patrie, à d’autres procédés que l’annexion du sol.

Cette conception, quand elle a été proclamée du haut du Capitole, n’a soulevé en Italie aucun scandale, voire aucune protestation. Il serait certes exagéré de dire qu’elle ait recueilli l’assentiment général ; mais ceux qui n’y ont pas adhéré se sont tus ou bien ont parlé bas. Personne n’y a dénoncé un coupable renoncement, soit à la Dalmatie, soit à Fiume. Parmi les noms des délégués italiens au Congrès de Rome, ne relevait-on pas d’ailleurs ceux de nationalistes notoires, juxtaposés à ceux des champions les plus qualifies de la politique conciliante ? A vrai dire, il n’était pas impossible de discerner dès lors que leur phalange comprenait deux catégories d’adhérents : les convaincus et les autres. Mais, s’agit-il, pour les seconds, d’un assentiment donné du bout des lèvres, cet assentiment n’en excluait pas moins l’opposition. Au-dessous, dans le public, aucune réaction d’intransigeance.

Aucune non plus de la part du gouvernement. Comme les Cabinets de Paris et de Londres, celui de Rome s’est sans doute tenu en dehors du Congrès du Capitole : mais il ne l’a pas ignoré. Comme eux, il n’a pas été partie au pacte final : mais il a fait plus que s’abstenir de le désavouer ; il l’a approuvé par la voix du président du Conseil. Recevant les congressistes, le 12 avril 1918, M. Orlando leur a adressé une allocution, où, parlant au nom du gouvernement, il a affirmé sa sympathie pour leur œuvre, rappelé les paroles d’adhésion à leur