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Alliés. Cet état d’ignorance s’est dissipé peu à peu, au cours des hostilités, sous l’effet d’indiscrétions partielles, qui ont révélé le fait et la teneur générale de la convention. Il a pris fin complètement, pour le public qu’on est convenu d’appeler bien informé, lorsque les bolchévistes ont publié le texte de l’acte, reproduit ensuite par la presse ennemie, neutre et même alliée. La lacune depuis lors si véhémentement dénoncée à propos de Fiume n’a provoqué alors aucun tolle en Italie. C’était en 1917 ; la guerre, arrivée à sa phase la plus critique, absorbait toutes les préoccupations.

Entre temps avait surgi un candidat nouveau à la succession des Habsbourg, dans la province à laquelle la Convention de Londres attribuait Fiume (la Croatie) et dans celle qu’elle reconnaissait à l’Italie (la Dalmatie). Ce candidat s’appelait le Yougoslave, nom générique sous lequel se confondaient les Croates, les Slovènes et les Serbes. Les représentants des trois tronçons de ce peuple avaient signé à Corfou un pacte posant les fondements de leur unité politique future, sous le sceptre du Roi de Serbie. La question de l’Adriatique ne mettait donc plus l’Italie en présence seulement de ses ennemis et de ses alliés, mais d’une entité politique nouvelle, formée de la race à laquelle appartient la majorité sur la côte orientale de cette mer. La perspective de l’unité yougo-slave n’a pas souri à ceux des Italiens, qui, suivant les événements diplomatiques et sociaux au milieu du fracas des batailles, se sont avisés de celle-là. Elle leur a fait craindre des compétitions pouvant aller jusqu’à leur contester l’Istrie et Trieste. Dans ces conditions, tandis que leur gouvernement se maintenait strictement sur ses positions, un certain nombre d’entre eux ont commencé à se demander s’il ne convenait pas à l’Italie d’asseoir sa politique adriatique sur autre chose qu’une convention avec trois grandes Puissances non riveraines et de préluder à la liquidation de la succession austro-hongroise par un rapprochement avec les Yougo-slaves.

En avril 1918 se réunit à Rome, au Capitole, un « Congrès des nationalités opprimées par l’Autriche-Hongrie, » composé de délégués des Conseils nationaux polonais, tchéco-slovaque, Yougo-slave, transylvain, de représentants officieux du peuple italien et de personnalités françaises, anglaises et américaines. Ce Congrès, auquel n’ont pas participé officiellement les gouvernements de l’Entente, bien qu’ils le vissent d’un bon œil,