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ÉMILE AUGIER
CHEVALIER DE LA BOURGEOISIE

II[1]

Avant d’écrire ses pièces sociales, Augier dirigera son activité combative contre la vanité bourgeoise et contre l’arrogance de la richesse. Il clôt brusquement, en 1858, la série de ses comédies de morale austère où il prêchait l’intransigeante soumission aux lois qui sont, à ses yeux, la base intangible et sacrée de la famille. Il semble qu’aussitôt après le Mariage d’Olympe et les Lionnes Pauvres, une connaissance plus approfondie de la misère humaine- le prédispose à plus d’indulgence. Il donne (1860) de l’Aventurière, une nouvelle version. Sans doute, elle diffère par plusieurs détails de la première. Mucarade devenu Monte-Prade n’est plus grotesque. Il était Cassandre, il devient Ruy Gomez. D’un barbon de Molière, il s’élève presqu’à un vieillard amoureux de Hugo. Il n’est point jusqu’à Franca-Trippa qui ne s’anoblisse sous le nom de don Annibal, — ne changeant que de nom, d’ailleurs, et la pièce ne gagnera pas à ce que Monte-Prade soit dupé par les mêmes procédés que Mucarade. Mais ce n’est pas cela qu’il convient de remarquer dans la nouvelle version de l’Aventurière. C’est un tout petit mot, pas même un mot : un geste, que l’auteur ajoute à la fin de la pièce. Dans la première version, on se le rappelle, Clorinde, rejetée par les honnêtes gens, retombait à sa vie d’aventures et partait au milieu d’un silence général.

  1. Voir la Revue du 1er janvier.