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encore plus loin à Fribourg en Brisgau, dans le pays de Bade. En même temps soii1’activité se dénaturait. Aux groupements de Sainte-Vincent de Paul, d’un caractère si français, succède, dans la nouvelle. Allemagne bismarckienne, « l’Association générale de la Charité de Fribourg en Brisgau. » La Prusse ne pouvait pas supporter plus longtemps des organisations qui avaient leur centre à Paris. Elle veut avoir son association nationale. La vieille œuvre française est supplantée. Une œuvre allemande règne désormais sur le Rhin.

Qu’est-ce que cette « Association générale de la Charité allemande ? » Elle nous dit dans ses statuts qu’elle veut développer avec méthode les œuvres de charité, grouper les sociétés, les institutions, les bonnes volontés individuelles et coordonner les efforts. Mais quelle est sa méthode ? La voici qui institue des sources de renseignements, qui fonde des bibliothèques, qui publie des statistiques, qui organise des écoles de charité dans les villes, qui crée même des cours de charité dans les Universités. Elle a ses congrès annuels, ses revues, ses brochures de propagande, ses savants, ses écrivains et ses professeurs. Reconnaissons ici les formidables systèmes administratifs qui sans doute permettent des efforts convergents, une surveillance des budgets en recettes et en dépenses, un certain anonymat de celui qui doit bénéficier de la charité générale, mais admettons aussi que, dans une telle organisation, il n’y a plus rien de l’esprit de charité et de perfectionnement individuel que suppose l’autre manière.

Cet appareil bureaucratique et scientifique de piété dessèche Ce qu’il dessert, et nous sommes loin de ces groupes d’une si belle chaleur intérieure que nous avons vus s’animer sous les influences françaises dans les petites villes rhénanes. La flamme qui, de Nancy et de Trêves, au début du XIXe siècle, avait gagné Coblence, Aix-la-Chapelle, puis Cologne et Mayence, où donc est-elle ? Les foyers de charité sont éteints ; l’organisation charitable est devenue un mécanisme savant de chauffage central, réglé par des professeurs et des statisticiens. Les Prussiens ont fait perdre au mouvement charitable du Rhin la valeur morale qu’il avait acquise au cours de soixante-dix ans d’influence française. Qu’est-ce qui est en diminution dans ce nouvel ordre de la charité ? Le développement de l’être humain.

Le cœur rhénan, disposé par la nature à l’aumône et à la