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ordre. Ce qu’on sait moins et que nous apprendrons, à mesure que je dépouillerai mes notes, c’est qu’elles ont servi de congrégation type sur la rive gauche du Rhin.

De ces créations de la France je ne vous apporte qu’une esquisse sommaire. C’est aux Rhénans que vous pouvez en demander l’exposé abondant et enthousiaste. Il mérite qu’on le mette en valeur chez nous, le livre que le poète rhénan de Coblence et de Francfort, Clément Brentano, écrivit en 1832 pour célébrer l’œuvre de la charité française. Brentano déteste Napoléon, et pourtant avec émerveillement il le montre qui convoque les sœurs de charité dans son palais impérial et qui signe des champs de bataille lointains toute une série de décrets, pour leur confier la direction des hôtels-Dieu et des asiles. Je vous donne le titre de ce vieil ouvrage à la fois romanesque et minutieusement renseigné : Les sœurs de charité dans leurs œuvres d’assistance des pauvres et des malades, avec un rapport sur l’hôpital civil de Coblence, par Clément Brentano, à Mayence, chez le libraire Kircheim. Le poète romantique a mis le doigt sur ce qui est la marque du génie constructeur ; il signale chez le chef des Français l’instinct de vérité, le sens de la réalité. « Aussi étrange que cela paraisse, dit-il, de vouloir organiser des congrégations de sœurs garde-malades sur des champs de bataille, Napoléon accomplit pourtant des choses réelles, et qui par la suite ne cessèrent pas d’être efficaces. »

De telles paroles, si modérées et si pleines, et paroles d’un adversaire, n’ont besoin d’aucun commentaire.

Après l’époque française et jusqu’en 1848. — Les préfets impériaux ont bien employé leur temps, mais leur temps fut court. En 1815, les voilà partis. Cela suscite d’infinies réflexions qui ne sont pas ici notre affaire. Notre affaire, dans cette éclipse de la France, c’est, de savoir ce qui va maintenant advenir de cet instinct de charité, de ces disponibilités de cœur qu’il y a dans le pays rhénan, et si les germes laissés par nous ne vont pas être immédiatement étouffés. Question que nous n’éclairerons par aucune polémique, mais seulement par des faits bien mis en ordre.

Une chose est certaine, c’est qu’on ne peut pas compter sur l’État prussien pour tenir, dans cet ordre de la charité, le rôle