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grâce, quand on espérait tirer de leurs propos quelque information utile ; mais il en était dans lesquels on devinait des policiers de bas otage en quête de quelques subsides. On les mettait à la porte après avoir constaté qu’ils ne savaient rien. Grâce à ce procédé, on arrivait à réunir des informations précieuses, mais il fallait toujours faire le départ entre le vrai et le faux. Ce n’était pas la moindre besogne des agents préposés à cette lourde tâche, qui rendirent tant de services et qui en eussent rendu davantage, si plus souvent on les eût écoutés et si l’on eût tenu plus de compte de leurs avis.

Ces détails démontrent combien, dans l’armée grecque, les esprits étaient montés ; leur hardiesse augmentait d’heure en heure ; c’était, à proprement parler, un paroxysme et poussé si loin qu’il donnait lieu aux bruits les plus invraisemblables. Le ministre des États-Unis dut démentir dans la presse locale toute intention d’intervention de son gouvernement. Ces manifestations devenaient de plus en plus violentes. Sans doute, dans une certaine mesure, leur caractère théâtral en atténuait la gravité ; mais ce qui la rendait réelle, c’étaient les divergences de vue dans les milieux alliés. Elles encourageaient nos adversaires dans leurs manifestations tumultueuses ; ils s’excitaient de plus en plus, et on pouvait craindre que l’Etat-major, même dans le cas où il voudrait finalement céder, ne fût plus capable de retenir les meneurs.

A la mi-novembre, la situation était celle-ci : les compagnies de débarquement de l’escadre venues de Salonique étaient en rade du Pirée. L’amiral Dartige avait fixé à trois cents hommes le détachement du Zappeion, mesure notoirement insuffisante pour assurer sa sécurité. Les réservistes arrêtaient à Larissa le matériel appartenant aux unités qui devaient se retirer dans le Péloponèse. Les vénizélistes étaient soumis à une violente intimidation ; beaucoup d’entre eux avaient été arrêtés arbitrairement.

L’agitation intérieure était encore entretenue par des difficultés survenues entre la légation d’Italie et le gouvernement royal, au sujet de la ligne de démarcation de l’Epire. Les Italiens demandaient le retrait des postes grecs en dedans de la route qu’ils occupaient. Mais le Roi déclarait ne pouvoir céder sur ce point, et ce n’est qu’à grand’peine que le gouvernement italien lui arrachait la promesse de réduire sur deux points les effectifs de ces postes à cent hommes, son artillerie et ses