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responsables. Dans ces conditions, le souverain accueillit avec empressement le député français qui lui fut présenté par un ami personnel, M. Serpieri, banquier de la cour. Il eut avec lui plusieurs conversations dont le résultat valut à M. Bénazet les félicitations de M. Briand et celles de M. Guillemin. Malheureusement, comme cela arrive souvent en Grèce, il y a loin des promesses aux réalisations. Lorsque M. Bénazet revint de Salonique, quelques jours plus tard, le Roi lui déclara tout net qu’en présence de l’opposition de ses ministres et de son entourage, il ne pouvait tenir ses engagements, à moins que des garanties et des avantages supplémentaires ne lui fussent accordés. Néanmoins, M. Bénazet se déclarait convaincu du succès. On lit dans un rapport de l’attaché naval : « Il est incontestable que, depuis son audience d’hier, les affaires vont mieux, du moins en apparence. Il y a eu hier soir un conseil de la Couronne où le Roi aurait déclaré en termes très énergiques qu’il entendait suivre la politique qu’il jugeait la meilleure. Aujourd’hui, pour la première fois, un journal non vénizéliste, le Kairi, laisse entendre que si certaines personnes de l’entourage du Roi veulent s’opposer à la réconciliation avec l’Entente, elles devraient être éloignées d’Athènes. On annonce que le Roi va publier un manifeste pour expliquer au peuple sa nouvelle orientation politique en faveur des Alliés. »

Mais était-elle sincère ?

L’attaché naval de France en doutait. Il soupçonnait le monarque de jouer, cette fois encore, une comédie : « M. Bénazet, ici, n’a pas été inutile, en ce sens qu’il a déclenché certaines choses. Mais il a cru qu’en Grèce, il était aussi facile de réaliser des promesses que de les obtenir, et, ignorant la mentalité des Grecs, il s’est trompé sur la façon d’agir avec eux. Ayant commencé à discuter, il a été amené à faire des concessions dont témoignent les télégrammes envoyés à Paris par la Légation. Il a été probablement un simple instrument inconscient de politique intérieure grecque, en ce sens que le Roi s’en est servi pour arrêter les faveurs des Alliés à l’égard du vénizélisme et acheter notre intervention contre l’extension de ce mouvement, qui seul l’effraie dans sa personne et sa dynastie. »

M. Bénazet quittait la Grèce le 8 novembre pour rentrer à Paris. Le 4, peu de jours avant son retour de Salonique, était survenu un coup de théâtre qui allait fournir un aliment