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s’associer à un mouvement libérateur et même à en prendre l’initiative aux côtés de son ami ; dès ce moment, le président Vénizélos, assuré de trouver à Salonique les baïonnettes françaises, n’hésitait plus et quelques jours plus tard, payé de sa décision par le retentissant succès du langage qu’il tenait en parcourant les îles de l’archipel et en avançant vers Salonique, il reportait à la France toute sa gratitude en abandonnant maintenant ses préférences pour l’Angleterre.

Tandis que, sous sa haute direction, le futur gouvernement provisoire s’acheminait vers Salonique, on constatait dans la Marine Royale certains indices de défection en faveur du mouvement national. Dans la journée du 26 septembre, un torpilleur s’était déjà prononcé. Quelques heures plus tard, on apprenait qu’une partie de l’état-major du bâtiment cuirassé Hydra était disposée à en faire autant à l’instigation de son commandant le capitaine de vaisseau Kakoulidis.

Dans la journée, il s’était réfugié à l’annexe de la Légation de France où il était assuré de trouver des encouragements à l’œuvre d’émancipation qu’il désirait accomplir. Cet appui ne pouvait lui manquer et quand il eut exposé son projet, il fut conduit à bord de la Résolue, ce yacht de plaisance, mobilisé dans la flotte française, qui la veille avait été utilisé pour l’évasion de Vénizélos. Avec le commandant de ce bâtiment et un petit groupe d’officiers auxquels se joignirent ceux du torpilleur qui s’était déjà prononcé, toutes les dispositions furent prises pour exécuter le plan de Kakoulidis.

Dans la nuit, vers trois heures, cette petite troupe s’embarqua dans deux canots et se dirigea vers l’arrière de l’Hydra. Un peu d’inquiétude se manifestait à bord du cuirassé, quatre quartiers-maîtres firent mine de vouloir arrêter les nouveaux venus. Mais ceux-ci abordaient au pied de l’échelle de la coupée, la gravissaient rapidement, repoussaient les sentinelles, puis ils se dirigeaient vers la cabine du commandant on second. Il venait de se coucher. Aux coups frappés à sa porte, il se levait et venait ouvrir en pantalon et en chemise de nuit. Comprenant de quoi il s’agissait, il s’arma d’un revolver et peut-être allait-il en faire usage lorsque l’altitude des envahisseurs le rappela à la prudence. « Nous n’en voulons pas à votre vie, commandant, lui disent-ils, nous voulons simplement faire appel à votre conscience ; vous êtes libre de quitter le bateau ou de vous unir