— Ça, c’est vrai. C’est bien dommage. Maintenant il est trop tard : sa vie est finie.
Elle parlait avec la froide indifférence des vieillards jetant de la terre sur la tombe de jeunes espérances. Archer eut froid au cœur et s’empressa de dire :
— Oserais-je vous demander d’employer votre influence auprès des Welland ? Je ne suis pas fait pour les longues fiançailles.
La vieille Catherine le regarda, épanouie :
— Je vois cela. Vous avez la mine éveillée. Quand vous étiez petit, je suis sûre que vous aimiez à être servi le premier.
Elle renversa la tête d’un mouvement qui fit onduler les petites vagues de son double menton.
— Ah ! tiens !… Voici ma petite Ellen ! s’écria-t-elle, en voyant s’ouvrir les portières.
Mme Olenska s’avança souriante. Elle tendit gaîment sa main à Archer, tout en se penchant pour recevoir le baiser de sa grand’mère.
— Ma chérie, j’étais justement en train de lui dire : Pourquoi n’avez-vous pas épousé ma petite Ellen ?…
Mme Olenska regarda Archer en souriant toujours :
— Et qu’a-t-il répondu ?…
— Oh ! mon amour, je te le laisse à deviner. Il est allé en Floride, voir sa fiancée.
— Oui, je sais. — La comtesse Olenska continuait à regarder Archer. — Je suis allée chez votre mère, pour lui demander où vous étiez. Je vous avais envoyé un mot auquel vous n’avez pas répondu, et je craignais que vous ne fussiez malade…
Il murmura quelque chose sur un départ imprévu, précipité, et sur l’intention qu’il avait eue de lui écrire de Saint-Augustin.
— Et naturellement, une fois là, vous n’avez plus pensé à moi ?
Elle gardait encore cet air heureux, qui pouvait n’être que le masque étudié de l’indifférence.
« Si elle a encore besoin de moi, elle est décidée à ne pas me le laisser voir, » pensa-t-il, piqué de l’attitude de la jeune femme. Il voulait la remercier d’être allée voir sa mère ; mais sous les yeux malicieux de l’aïeule, il se sentait gêné.
— Regarde-le. Il est si pressé de se marier, qu’il a filé à la