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ne l’était en 1914, et dont la volonté d’exécuter loyalement le Traité de paix est loin d’être démontrée. Nous devons savoir également que la guerre ne sera pas dans l’avenir ce qu’elle a été dans le passé, que les moyens de guerre futurs seront, comme on le verra plus loin, plutôt les machines que les hommes, et que la puissance industrielle de l’Allemagne, restée intacte, lui donne justement la possibilité de refaire des armements correspondant au nouveau genre de guerre à venir.

En outre, est-ce à l’Allemagne seule que nous aurions affaire, si nous devions reprendre la lutte ? Sans parler de l’Autriche, avec ses 6 millions d’Allemands, il y a derrière l’Allemagne, la Russie, qui nous a aidés à supporter le choc de 1914, mais dont les dispositions à venir peuvent être toutes différentes. Et alors, de quelles réserves d’hommes l’Allemagne ne disposerait-elle pas, en dehors de l’armée de 100 000 hommes que lui concède le Traité de Versailles ?

Au total, il est encore possible que, pour parer à un nouveau conflit, la France ait besoin de la totalité de ses ressources ; c’est dire que le service obligatoire pour tous les citoyens s’impose aujourd’hui comme avant la guerre, que leur mobilisation générale est toujours à préparer.

Mais de là on ne doit pas conclure que notre état militaire de 1921 doive être celui de 1914. Ce serait méconnaître l’existence même du Traité de paix, le renversement de situation créé par la Victoire.

Aujourd’hui, et pour quinze ans au moins, notre frontière militaire est au Rhin ; et derrière le Rhin, l’Allemagne, ne disposant que d’une armée de paix très réduite, avec l’armement et les approvisionnements correspondants, aurait besoin d’un délai assez long pour mobiliser, armer et équiper ses réserves, encore existantes en fait, puisque toute sa population mâle a fait la guerre. L’Allemagne serait donc incapable de procéder, comme en 1914, à une attaque en masse, dès le début des hostilités.

Et si, dans quinze ans, nous abandonnons le Rhin, nous nous trouverons devant une Allemagne affaiblie, sans doute, du fait que quinze années auront passé sans qu’elle ait pu instruire ses jeunes classes. À ce moment, elle ne pourrait grossir sa Reichswehr forte de 100 000 hommes qu’à l’aide d’hommes ayant