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Chronique - 14 décembre 1921


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE




A peine débarqué au Havre, M. Briand a voulu, comme il était naturel, renseigner exactement la France sur les résultats de la mission qu’il avait remplie à Washington. Il a ouvert sa valise et il a loyalement montré qu’elle était vide. Tous ceux qui avaient quelques informations sur les États-Unis avaient prédit qu’il n’en pouvait être autrement. Mais il s’était malheureusement trouvé, autour du Président du Conseil, des hommes d’imagination qui lui avaient représenté une Amérique fantaisiste et lui avaient laissé espérer qu’il reviendrait du Nouveau Monde avec une riche moisson de bénéfices pour la France. Jusqu’à quel point M. Briand s’était-il d’abord abandonné à la séduction de ce mirage ? Je ne sais. Mais son sens des réalités l’a promptement averti de l’erreur où on avait voulu l’entraîner et les déclarations qu’il a faites depuis son retour, soit dans la Seine-Inférieure, soit au Sénat, ont été, comme les discours de Washington, entièrement dépouillées d’illusions.

Il a commencé par répéter à ses auditoires français ce qu’il avait dit aux Chambres avant son départ que, d’une conférence comme celle de Washington, la France ne pouvait être absente. « Elle doit être, a-t-il insisté, partout où se discutent les grands intérêts du monde. Si elle n’avait pas été présente, dans une réunion qui se proposait le noble but d’alléger les charges militaires, il y aurait eu un vide. » Sans aucun doute ; et personne n’a jamais eu la pensée singulière que la France pût ne pas répondre à l’appel de l’Amérique. On avait seulement le droit de se demander s’il était nécessaire qu’elle y fût représentée par le chef de son Gouvernement. Une telle importance donnée à la délégation française avait assurément des avantages. Comme Président du Conseil, M. Briand avait une autorité