imagine sans peine ce que peut être la vie avec cet ennuyeux personnage. En voilà un qui doit être insupportable dans l’intimité ! Hélène ne gagnerait pas au change.
Pourtant, il parait que cette phraséologie n’a pas perdu tout son effet, au fond des Charentes. Hélène est troublée. Son mari ne manque pas de s’en apercevoir; mais qu’y faire? Il assistera impuissant, mélancolique et résigné, à la catastrophe que, de ses propres mains, il s’est préparée. Le soir tombe. C’est le crépuscule du bonheur, c’est la fin d’un beau jour qui sombre dans la tristesse et dans le deuil.
Ce premier acte est un peu lent, un peu froid, un peu verbeux, mais d’une très agréable tonalité dans les demi-teintes. Maintenant nous voici lancés en plein drame. L’amoureuse inquiétude de la femme de trente ans a grandi. L’heure de la crise a sonné. Depuis trois jours que Challange n’est venu, Hélène est dans l’attente et dans l’angoisse. Son mari le voit clairement, suivant son habitude. Et, à l’heure où s’annonce Challange, il ne manque pas de s’effacer discrètement, toujours suivant son habitude. C’est un homme très bien élevé qui, pour rien au monde, ne dérangerait un tête-à-tête où il n’est pas invité.
Ici, grande scène de passion. Tout ce qu’on peut ramasser de phrases toutes faites sur les joies de la vie intense, Challange le débite dans un élan éperdu de déclamation. Pas un mot du cœur, tout un déballage de rhétorique démodée. Comme si le divorce était, de nos jours, un événement extraordinaire! Quitter un propriétaire charentais pour convoler avec un autre propriétaire charentais, la belle affaire ! C’est une des grandes fautes de la pièce, que l’amant y soit si peu intéressant, si peu séduisant. Nous n’arrivons pas à comprendre l’émoi d’Hélène. Elle est toute palpitante, la gorge serrée, le cœur bondissant. Elle lutte encore ou elle essaie de lutter. Finalement, ce cri lui échappe : « Je suis possédée. » Elle le dit: il faut l’en croire. Tout de même, cela nous étonne. Elle ne nous avait pas donné l’impression qu’elle eût un tempérament de grande amoureuse. Elle consent à suivre Challange. Et le mari? Fidèle à sa ligne de conduite, qui est la ligne de moindre résistance, il s’incline. Mais ici, sa passivité devient coupable. Sa sottise confine à l’odieux. Comment ! cette femme, cette jeune et charmante femme, qu’il a épousée par amour et qu’il n’a pas cessé d’aimer, au moment où elle va, dans une minute d’exaltation, commettre une irréparable folie, il n’essaie pas de la rappeler à la raison, au vrai de sa nature et de sa destinée ! Il