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REVUE DRAMATIQUE


COMEDIE-FRANÇAISE. — Aimer, pièce en trois actes par M. Paul Géraldy.


Trois personnages et, pour titre, un verbe à l’infinitif: tous les signes annonciateurs d’une comédie d’analyse. Ce théâtre nous est cher. Il est dans notre meilleure tradition. Les pièces de Jules Lemaitre furent un régal pour les lettrés. Et tout récemment nous faisions rôle au Maître de son cœur, de M. Paul Raynal, pièce à trois personnages, en trois actes et toute en nuances. Il faut savoir gré à M. Géraldy de s’être, à son tour, essayé dans ce genre où il a trouvé un joli succès. Son premier acte nous a charmés par une certaine finesse pénétrante, une manière distinguée de dire les choses et plus encore un art subtil de faire entendre celles qu’on ne dit pas. Qui ne sait que le son des mots importe bien plus que leur sens? Si, par la suite, la pièce nous a semblé quelque peu dévier, elle reste, jusqu’au bout, intéressante et délicate.

Hélène et Henri, depuis dix ans qu’ils sont mariés, abritent leur bonheur dans un château de la Charente. Ils s’aiment, mais ils s’aiment depuis dix ans. Ils sont heureux, mais d’un bonheur qui a dix ans de date. Ils analysent leur amour et dissèquent leur bonheur. Ils comparent. Ce n’est plus la fougue des premiers temps. A l’imprévu, aux découvertes et même aux heurts d’autrefois a succédé un bonheur tout uni. On se connaît, comme on connaît la vue de cette terrasse sur la Charente. Belle vue. Bonheur de tout repos. Hélène a beaucoup entendu dire que c’est le vrai bonheur, et elle fait des efforts sincères pour s’en convaincre. Bref, elle s’ennuie.

C’est cet instant précis qu’a choisi Henri pour lui présenter un de ses amis, Challange, et lui en faire le plus brillant éloge. Telle est,