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Pacifique, puis fait l’historique de la convocation à la Conférence d’aujourd’hui, des Conférences antérieures de la Haye. Il passe complètement sous silence, et comme si elle n’avait jamais existé, la Société des Nations.

Mais voici que l’intérêt de l’assistance, si l’on peut dire, se tend davantage. Le Secrétaire d’État vient de prononcer : « .. Nous ne pouvons plus ignorer la provocation des impératives demandes économiques. Si une telle chose qu’une réhabilitation économique doit exister, si les désirs d’un progrès raisonnable ne doivent pas être ignorés, si les soulèvements des peuples, désespérés et ne comptant plus pouvoir se débarrasser de fardeaux qu’ils ne peuvent plus supporter, doivent être évités, la course aux armements doit être arrêtée. » La dernière phrase est scandée, martelée, sans pourtant viser le moins du monde a l’effet oratoire. Mais elle est si nerveuse que, comme la détente d’un ressort, elle met encore la salle entière debout et applaudissant.

A partir de ce moment, l’atmosphère est, comme l’on dit ici, électrique. Même succès nerveux, prolongé est fait à la déclaration qui suit : « .. N’est-il pas évident que le temps des désirs et des résolutions est passé? Nous ne pouvons plus nous contenter de vœux, de statistiques, de rapports, de toute la phraséologie des enquêtes. Les forces essentielles sont suffisamment connues. La Conférence n’a pas été convoquée pour de stériles résolutions ou pour des échanges de vues sans portée : c’est maintenant le temps de l’action. » De nouveau toute la salle est debout et acclame. Mais voici que brusquement M. Hugues précise. Il donne le plan de cette action. Il dit les constructions de bateaux qui doivent être abandonnées, les unités qui doivent être détruites; pour les États-Unis, six croiseurs doivent être laissés en plan, sept bateaux de guerre, actuellement sur chantier, et deux autres qui viennent d’être lancés : quinze bateaux plus anciens seront détruits. Il donne les noms, précise les tonnages, additionne les tonnes supprimées.

On écoule avec étonnement. 845 740 tonnes supprimées ! Est-ce possible? On se regarde. On croit rêver. Mais voici que l’étonnement se change en stupeur. Non seulement M. Hughes a fixé le sacrifice des États-Unis, mais sans hésiter, sans souci des orgueils et des droits nationaux, il établit le même sombre bilan pour l’Angleterre, pour le Japon.