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et parents des sénateurs comme aux jours de grandes séances. C’est que l’on doit discuter tout à l’heure la question de la publicité qui devra être accordée à la Conférence. On espère qu’on parlera de la Conférence elle-même. Personne, parmi les élégantes habituées, ne voudrait manquer un pareil début.

Peu de sénateurs encore dans l’hémicycle. Ils arriveront tout à l’heure, à mesure que la discussion se développera, s’envenimera, quand le sénateur Lodge sera pris à partie par le sénateur Johnson, pour avoir accusé le Sénat de « mauvaise éducation, » parce qu’il a réclamé par avance, et anticipant sur les désirs des délégués, la publicité des débats de la Conférence. Pour l’instant, M. Borah, leader des irréconciliables, et l’homme qui est supposé devoir exercer la plus forte influence sur les prochains développements de la Conférence, est, à peu près seul, à son bureau, où il écrit.

La tête forte, carrée, la carrure puissante, il donne l’impression de la force et de l’obstination dans la force. Cette impression est la vraie. Bien que le sénateur de l’Idaho ne manque aucunement d’esprit d’attaque ou de répartie, et quoiqu’il sache manier à propos le sarcasme qui surprend ou démonte l’adversaire, il préfère, dans la discussion, la violence qui assène et qui écrase. Peu politicien, d’une droiture et d’une loyauté au-dessus de tout soupçon, il est l’homme d’une idée, d’une croyance et qui pourra sacrifier son parti et lui-même à ce qu’il croit être l’intérêt supérieur du pays. Démocrate et peuple de naissance, il est radical dans ses idées sociales, et l’on s’étonne parfois de le trouver allié aux grandes puissances de Wall Street. Il a vu le traité et les débats du traité comme ses amis, plus que ses amis, à travers la vision de Meynard Keynes et n’a plus voulu regarder ailleurs. Il exerce une action incroyable sur les foules. C’est avec lui qu’a déjà été, que sera toujours la menace de scission et le plus sérieux péril du parti républicain.

Les leaders sont dans les couloirs, plus exactement dans le salon, qualifié vestiaire (cloak room), qui leur est ici réservé. De là ils peuvent, en fumant un cigare et continuant une conversation, suivre ce qui se dit et se fait dans l’hémicycle, où fumer n’est pas permis.

Voici précisément, en aparté, fumant et s’entretenant, les quatre délégués américains à la Conférence qui va s’ouvrir, le secrétaire d’Etat Hughes, l’ancien secrétaire d’Etat Root, le