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liée au Japon, son autorité morale sera-t-elle assez forte pour entraîner les Dominions qui ont façade sur le Pacifique, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, et qui, eux aussi, croient au péril japonais ? Les États-Unis ne réussiraient-ils pas, à la faveur de telles divergences, à prendre la direction du « consortium » anglo-saxon, du moins dans le Pacifique ? Ne deviendraient-ils pas ainsi, par la force des circonstances, aux lieu et place de la vieille Angleterre, la vraie métropole des Dominions émancipés ? Et du coup, voilà que le Foreign Office s’avise que le traité avec le Japon, qui, disait-on il y a peu de mois, devenait caduc à l’expiration des dix années pour lesquelles il avait été conclu en 1911, n’a pas besoin d’être renouvelé et se proroge d’année en année par tacite reconduction, tant que l’une des parties ne l’aura pas dénoncé un an à l’avance. Enfin, si nous n’oublions pas que l’industrie et le commerce américains sont intéressés au premier chef au maintien de la « porte ouverte » en Chine, nous aurons donné un aperçu général des motifs qui ont déterminé l’initiative du Président Harding.

Cette initiative n’a été une surprise que pour les chancelleries d’Europe auxquelles les péripéties de la guerre et de la paix ont voilé, depuis 1914, ce qui se passait aux antipodes. Au Congrès américain, un mouvement d’opinion important s’est dessiné, soit sous la magistrature du Président Wilson, soit depuis l’arrivée au pouvoir de M. Harding, en faveur d’un désarmement général ; c’est un sujet que les Américains, qui se croient assurés de n’être jamais envahis et qui se plaisent à s’attribuer un rôle humanitaire, abordent volontiers. La résolution Rogers, déposée à la Commission des affaires étrangères de la Chambre (printemps 1921), se déclare en faveur d’un programme naval qui ne soit inférieur à celui d’aucune autre nation jusqu’à ce qu’un accord international soit conclu, et prévoit la réunion à Washington d’une conférence où seraient représentés la Grande-Bretagne, le Japon, la France et l’Italie. C’est presque, trait pour trait, l’invitation du Président Harding. De son côté, la presse japonaise, dès janvier dernier, parle avec faveur d’un projet de conférence des trois grandes Puissances du Pacifique : Empire britannique, États-Unis, Japon, pour la limitation des armements navals. Le Tokyo Asahi du 12 janvier, écrit : « Qui ne désire une conférence des trois pays ? En tout cas, si l’Amérique prend l’initiative de cette