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avant-propos : « Mes relations avec M. de Saint-Simon, » qu’il est a jamais regrettable qu’Augustin Thierry ait malheureusement abandonné d’écrire.

Pris de scrupule, à la réflexion, l’historien appréhenda que cette seconde partie ne répondit pas aux fins didactiques qu’il se proposait. Les sujets qui s’y trouvaient traités, d’un intérêt disparu pour la plupart, risquaient, par surcroit, de rebuter l’attention. Estimant donc nécessaire de laisser « une part à l’oubli, » il résolut d’écarter tout ce qui ne s’adapterait pas rigoureusement au cadre qu’il s’était fixé.

De cette révision minutieuse et sévère sont sortis Dix ans d’Etudes Historiques. Mais avant de les envoyer à l’impression puisqu’on paraissait un peu trop l’oublier, l’initiateur de la renaissance historique au XIXe siècle voulut rappeler ce que lui devait la science. Il écrivit alors la préface célèbre, histoire de sa pensée et de ses livres, si pleine d’émotion et de noble fierté qui est peut-être son chef-d’œuvre et sûrement un chef-d’œuvre tout court.

Ces pages magistrales assurèrent la fortune de l’ouvrage. Des témoignages insignes d’admiration qu’elles provoquèrent alors, je ne retiendrai que celui de Michelet, le plus caractéristique, venant d’un rival de gloire, d’un adversaire d’école, et d’autant plus honorable pour lui.

« Tout ce qui sort de votre plume, monsieur, est pour moi un sujet d’étude non seulement historique, mais encore psychologique et morale. Cela porte toujours un caractère de vérité, de simplicité grave et de mesure dans la force qui me semble éminemment viril. S’il y a unité d’esprit, qu’importe la différence de procédé et de méthode ! Vos derniers fragments ont montré que dans l’inaction de la critique et des recherches érudites, vous avez acquis un nouveau mérite de style : la grâce. Cette grâce, cette douceur, cet abandon de tout sentiment amer sont une chose bien touchante et, permettez-moi de le dire, bien glorieuse pour vous. C’est l’indice d’une grande force d’âme d’avoir ainsi pardonné.

« Il eût été bien à souhaiter que tous les hommes de génie nous fissent ainsi connaître le progrès de leurs idées et nous initiassent à leur méthode. La plupart n’en ont rien dit, je leur en veux de ce silence.

» Croyez à ma reconnaissance, à ma vive sympathie et