Pourtant j’étais gai, tout à l’heure...
Aujourd’hui fut paisible et doux...
Mais toujours quelque larme pleure
Au fond mystérieux de nous.
Est-ce du passé qui persiste,
Ou de l’avenir qu’on pressent?...
Il suffit, pour que tout soit triste,
D’un corbeau qui va croassant.
L’ombre de ses ailes funèbres
Lourdement s’attarde à nos fronts
Et fait monter de leurs ténèbres
Les maux obscurs dont nous souffrons.
Plus effrayants d’être sans cause,
Nous les sentons nous envahir...
Le bonheur est si peu de chose,
Quand on croit qu’il peut vous trahir !...
J’étais sûr, brusquement, je doute…
Dès qu’on a peur, tout est péril...
Ce pas que j’entends sur la route
Quel mauvais sort m’apporte-t-il?
Non,... non... j’échappe à son atteinte...
Il s’éloigne... le bruit décroît...
Mais le glas d’une cloche tinte...
Un grand souffle passe... j’ai froid...
Qu’est-ce donc qui meurt en moi-même
Avec ce mourant inconnu?...
Je tremble pour tout ce qui m’aime...
Vous qui m’avez appartenu,
Clairs visages rentrés dans l’ombre,
Mais toujours prêts à m’émouvoir,
Peut-être l’un de vous est sombre
Dans la splendeur de ce beau soir.
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