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cette œuvre abondante et diverse, il y a des comédies qui sont presque des drames (Don Juan, Tartuffe,) des comédies à quiproquos, qui, n’étaient le style de l’écrivain et sa finesse psychologique, seraient presque des vaudevilles (Sganarelle), d’autres, qui sont des farces énormes et débridées (M. de Pourceaugnac), d’autres enfin, toutes de fantaisie, où le génie grave de l’auteur semble être défendu et comme égayé (Le Sicilien, l’Amour médecin).

Aux premières, on décida de conserver leur cadre tout historique et documentaire, si j’ose dire. D’autres directeurs peuvent prendre des libertés, parfois heureuses, imaginer des décors de plantation originale, composer des costumes, dont les formes exagérées et les couleurs chatoyantes amusent les yeux. La Comédie-Française ne saurait les suivre dans cette voie. Elle est, avant tout, un théâtre de tradition. Certes, je ne m’illusionne pas sur les vertus de la « tradition; » elle est quelquefois incertaine; souvent aussi elle stérilise tout effort de recherche; elle est un oreiller commode sur lequel la paresse s’endort. On ne saurait nier son prix cependant quand on peut la faire remonter jusqu’à Molière. Nous n’avons pas affaire ici au seul auteur dramatique, mais à un metteur en scène averti, épris déjà de vérité et de naturel (à cet égard, le texte de l’Impromptu de Versailles donne des indications précieuses). Les témoignages des contemporains sont formels. « Il était tout comédien depuis les pieds jusques à la tête, dit Donneau de Visé, il semblait qu’il eût plusieurs voix, tout parlait en lui et d’un pas, d’un sourire, d’un clin d’œil il faisait plus concevoir de choses que le plus grand parleur n’aurait pu dire en une heure ! » Et plus loin : « Cet illustre acteur excellait dans l’art de bien faire jouer la comédie. Est-il quelqu’un qui n’en demeure pas d’accord après avoir vu de quelle manière il faisait jouer jusques aux enfants? On voit par-là que ce n’est pas sans raison qu’il disait qu’il ferait jouer jusques à des fagots. » Dans la préface de l’édition de 1680, on lit : « Il n’était pas seulement inimitable dans la manière dont il soutenait tous les caractères de ses comédies, mais il leur donnait encore un agrément tout particulier par la justesse qui accompagnait le jeu des acteurs : un coup d’œil, un pas, un geste, tout y était observé avec une exactitude qui avait été inconnue jusque-là sur les théâtres de Paris. » Donc, quand un décor a été choisi