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Il y a ceux qui, au contraire, réclament l’exactitude dans la décoration et dans l’ameublement. N’est-il pas absurde d’habiller Célimène, de la parer d’atours somptueux, à la mode du temps, et de ne la point loger, de ne point meubler son appartement? Est-ce que cela n’ajoute pas à l’illusion, donc à l’intérêt de la pièce, de montrer la coquette dans un intérieur reconstitué avec soin? Molière lui-même ne donnait-il pas à ses comédies, du moins dans la mesure où on le pouvait a son époque, ces ornements dont on prétend les priver aujourd’hui? A défaut d’autres preuves, qui d’ailleurs abondent, le mémoire de Mahelot et Michel Laurent n’établit-il pas que, dès le XVIIe siècle, les comédiens possédaient des décors pour chacune de leurs pièces? Si deux cents ans d’études, de recherches, ont permis de donner plus de vraisemblance au décor, plus de variété à l’éclairage, pourquoi ne ferait-on pas bénéficier les pièces anciennes de tous lus progrès réalisés depuis leur création?

Mais il y a ceux qui, allant plus loin, veulent que l’on traite les œuvres classiques comme des œuvres modernes. Pour peu que s’y prête un texte sollicité, ils exigent, au nom de la vérité, qu’on change le décor d’acte en acte. A quoi d’autres répondent quo, ce faisant, on irait contre la volonté même de l’auteur. Quand Molière a voulu un changement de décor, il l’a nettement indiqué (Don Juan, Psyché, le Médecin malgré lui, intermèdes du Malade imaginaire, etc.) Si, pour le Misanthrope et Tartuffe, il n’a donné aucune de ces indications, c’est qu’il entendait conserver pour l’unité de sa pièce, l’unité de lieu.

Il y a ceux encore qui souhaitent que décors et costumes soient interprétés, stylisés, accommodés au goût du jour, car chaque époque voit, avec des yeux nouveaux l’œuvre d’art, et réclame d’elle une émotion et des joies qui correspondent à la sensibilité du moment.

Il y a ceux... Mais on n’en finirait pas d’énumérer toutes les théories en présence. Entre tant d’avis, soutenus avec une égale force, et qui s’appuient, chacun, sur des raisons également convaincantes, il fallait se décider cependant. Voici les idées très simples auxquelles on a obéi, en ne se dissimulant pas toutefois que, quel que fût le parti qu’on prendrait, on devait s’attendre à se voir critiqué par tous ceux dont on ne suivrait pas les conseils.

Il parut tout d’abord qu’il n’était pas indispensable de présenter d’identique manière toutes les comédies de Molière. Dans