superbement développé cette thèse un peu mélancolique devant les plénipotentiaires de Washington, et il n’a négligé aucun des arguments qui justifiaient l’attitude de la France. Comme l’avait déjà expliqué, dans plusieurs villes d’Amérique, M. le maréchal Foch, le Président du Conseil a montré l’absurdité des calomnies répandues contre nous, et il lui a été aisé de donner des preuves irrécusables de nos sentiments pacifiques. Il a lumineusement prouvé qu’en revanche, l’esprit de guerre n’avait pas encore disparu de l’Allemagne ; et il a confirmé, à ce sujet, les renseignements que M. André Lefèvre et moi, nous ne nous sommes pas lassés de publier depuis deux ans. M. Briand avait été un peu plus optimiste dans les derniers discours qu’avaient entendus de lui la Chambre et le Sénat; mais, à Washington, il a parfaitement démasqué la Reichswehr et les Einwohnerwehren, la Sicherheitpotizei et la Schulzpolizei.
Tout ce qu’il a dit est l’évidence même et, sans que nous ayons à revenir sur le passé, nous sommes mis aujourd’hui par le Président du Conseil français, en face de vérités assez graves pour que la France ait le droit de se demander : « Puisque l’Allemagne conserve, sous des pseudonymes successifs, d’importantes formations militaires, puisqu’elle garde soigneusement les cadres d’une armée, puisqu’elle a sur pied deux cent cinquante mille hommes qui, comme l’a dit M. Briand, s’entraînent journellement à préparer la guerre, que font donc les Alliés? Comment tolèrent-ils de pareils préparatifs? Comment ne mettent-ils pas le pied sur cette allumette enflammée? Et s’il est vrai que l’industrie allemande puisse, du jour au lendemain, s’adapter aux fabrications de guerre, pourquoi les Alliés n’appliquent-ils pas avec plus de rigueur les articles 168 et 171 du Traité? Pourquoi surtout ne s’entendent-ils pas entre eux pour maintenir en Allemagne, avec des moyens de contrôle plus étendus, les commissions militaires interalliées, qui, aux termes de l’article 203, sembleraient devoir être dissoutes au bout d’un certain temps, mais qui, malheureuses danaïdes, ont à recommencer tous les jours leur tâche ? »
En présence du perpétuel danger que nous sentons à nos portes, M. Briand a eu grandement raison de dire que la France ne pouvait céder à son désir de désarmer. Il a revendiqué notre liberté, que personne, d’ailleurs, n’avait eu la mauvaise grâce de nous contester explicitement, et son discours a eu un retentissement assez heureux pour que nous nous félicitions qu’il ait eu l’occasion de le prononcer. Il y a cependant quelque chose d’un peu surprenant, et même d’un peu pénible, dans l’idée que nous puissions considérer comme une victoire