qu’il serait immédiatement écouté. La légion américaine, qui a accueilli partout le maréchal Foch avec tant d’enthousiasme et qui travaille si activement à l’entente future de nos deux peuples, s’associerait, dans tous les États-Unis, aux efforts de M. Herrick. Elle rappellerait les batailles livrées en commun; elle évoquerait l’image des tombes américaines creusées aux frontières de France et, pour déterminer une reprise immédiate de coopération militaire, elle chercherait à réveiller dans l’esprit des populations de glorieux souvenirs. M. Hughes, lui aussi, répéterait certainement la belle parole qu’il a prononcée l’autre jour : « Il n’est pas d’isolement moral pour les soldats de la justice et de la liberté. » Mais qui sait si ces dispositions bienveillantes pourraient se traduire tout de suite dans les faits et si elles ne seraient pas brisées ou ralenties par une propagande contraire? Nous voyons déjà s’agiter partout, et plus particulièrement dans les États de l’Ouest, ces Germano-américains qui, pendant de longs mois, ont réussi à arrêter l’élan des États-Unis vers la France, et pour lesquels l’Allemagne a l’insolence de réclamer aujourd’hui dans le Nouveau-Monde un véritable privilège d’exterritorialité. En attendant que se termine ce conflit d’influences et que l’Amérique prenne un parti définitif, c’est nous qui garderons les tranchées aux lisières de notre pays menacé.
Avant de traverser le détroit, l’Angleterre tiendra peut-être elle-même à prendre le temps de la réflexion. Elle aura certes le désir de venir combattre à nos côtés. Nous nous sommes sentis très émus par la chaleureuse déclaration de M. Balfour : « Si, comme M. Briand en exprimait la crainte, la France pouvait se trouver isolée, ce serait une tragédie. Il faut que la liberté du monde en général et celle de la France en particulier soit sauvegardée contre toute politique de domination du peuple qui avoisine la France. » Mais l’Angleterre, elle aussi, est un pays d’opinion, et l’opinion dont elle a à tenir compte n’est pas seulement celle qui règne à Londres, c’est celle qui règne en Irlande, en Australie, aux Indes, au Canada, au Cap, en Nouvelle-Zélande. Si la France est attaquée, l’Angleterre ne restera pas indifférente ; mais elle commencera par peser le pour et le contre, et ce n’est pas elle qui subira le premier choc. M. Lloyd George n’a pas jugé bon qu’elle s’engageât seule envers nous; la lettre qu’il a écrite à M. Clemenceau formait, avec celle de M. Wilson, un tout indivisible, et si l’une tombait, l’autre devenait caduque. Aujourd’hui, elles ont toutes deux disparu. Nous n’avons donc pas l’assurance que, pour repousser une agression