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amenés à demander des délais pour les paiements qui doivent suivre le 15 janvier. » — On en est là. Lorsque les ministres ont été entendus, même en l’absence de M. Briand, par les commissions parlementaires, ils ont tous déclaré avec force que cette situation ne pouvait se prolonger, que la patience de la France était à bout, qu’il était temps de prendre des gages, de saisir l’actif de l’Allemagne et d’établir un contrôle rigoureux sur sa gestion financière. Puisque le Président du Conseil a eu l’heureuse inspiration de hâter son retour de Washington, il va pouvoir bientôt, espérons-le, réaliser le programme si vigoureusement exposé par ses collaborateurs.

Comme il était trop certain, son voyage en Amérique n’aura guère eu que la valeur d’un acte de politesse internationale et n’aura rapporté à la France aucun bénéfice réel. Pas de pacte de garantie militaire; pas de renonciation des États-Unis à la créance qu’ils ont sur la France. Il serait injuste de reprocher à M. Briand de n’avoir pas décroché la lune à Washington. Tout au plus, aurions-nous le droit de plaisanter un peu ceux qui, avant son départ, ont essayé de lui faire croire qu’elle était à portée de sa main. Contrairement à certaines nouvelles télégraphiques, le problème des réparations n’a même pas été abordé dans les couloirs de la Conférence et M. Loucheur, que le Président du Conseil avait prié de rester au bout du câble, n’a pas eu à se déranger. En la personne de M. Briand, comme en celle du maréchal Foch, la France a été passionnément acclamée, et l’écho de ces vivats nous a, sans doute, apporté l’espérance d’une collaboration fraternelle entre la France et l’Amérique. Mais de certitude nous n’en avons aucune; et il était sûr, d’avance, qu’on ne nous en donnerait pas. L’autre jour encore, lorsque l’Université de Nancy a conféré à M. Myron T. Herrick le titre de docteur honoris causa, l’éminent ambassadeur des États-Unis, qui adonné à la France tant de preuves d’amitié, a prononcé un discours où il nous a clairement rappelé que son pays répugnait aux engagements écrits et aux conventions permanentes.

C’est donc que l’Amérique veut réserver sa liberté d’action et ne prendre, l’heure venue, conseil que d’elle-même. Rien de plus naturel. Mais l’Amérique est une République où l’opinion est souveraine, et cette opinion, travaillée par des courants contraires, est toujours sujette à des variations. Si la France était de nouveau attaquée par l’Allemagne, M. Myron T. Herrick serait assurément au nombre des Américains qui demanderaient le plus chaleureusement une intervention des États-Unis; il recommencerait la généreuse et vaillante campagne qu’il a faite de 1915 à 1917; mais rien ne prouve