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Français. Au début, l’enseignement de notre langue dans les écoles avait rencontré quelques difficultés, qui étaient surtout d’ordre pratique; beaucoup d’instituteurs du pays ne savaient que l’allemand et l’alsacien, et certains d’entre eux répugnaient à un effort assez pénible. Aujourd’hui, dans toutes les communes, il y a des maîtres de l’intérieur et des maîtres alsaciens qui ont appris à l’envi le français, et qui l’enseignent aux enfants, et les enfants paraissent ravis de le parler. Il n’est pas question, certes, d’interdire aux habitants l’usage d’un dialecte auquel ils tiennent et qui leur a, du reste, servi à se replier sur eux-mêmes pendant la domination allemande ; mais il est utile qu’ils comprennent aussi et puissent parler une langue qui est celle de leur patrie et qui les unira plus étroitement encore à la communauté française.

J’ai eu, du reste, sous les yeux des preuves éclatantes de la fidélité alsacienne. Le 19 novembre était inauguré, en présence d’une foule immense et pieusement recueillie, le monument élevé à la mémoire des cuirassiers de Reichshoffen, et cette cérémonie, bien faite pour rattacher le présent au passé, avait attiré des centaines de vétérans, venus de tous les points de l’Alsace. Elle a fourni au comte de Leusse, député, maire de Reichshoffen, l’occasion d’exprimer, en un noble langage, les sentiments unanimes des populations.

Le lendemain, M. Barthou, ministre de la Guerre, est arrivé à Strasbourg. Aussitôt, comme par enchantement, toutes les maisons se sont pavoisées. Pas une fenêtre qui n’eût son drapeau. Dans cette rue du 22 novembre, dont les plaques rappellent la rentrée triomphale de l’armée française à Strasbourg, on se serait cru rajeuni de trois ans. Le défilé des troupes et des sociétés locales de gymnastique a eu lieu au bruit des acclamations, et lorsque, après la revue, les régiments, musique en tête, ont regagné leurs casernes, leur passage a soulevé partout l’enthousiasme populaire. En s’éloignant à leur tour, les gymnastes sont venus saluer la statue de Kléber et, dans la nuit tombante, ce fut, sur la vieille place, une minute de grande émotion. Déjà huit jours plus tôt, aux obsèques du général Humbert, nous avions senti battre le cœur de Strasbourg. Quatre-vingt mille personnes s’étaient inclinées devant la dépouille du vaillant soldat que venait d’emporter une mort prématurée. Dans la tristesse comme dans la joie, l’Alsace ne se lasse pas de nous montrer qu’elle est redevenue à jamais partie intégrante de la France.

De cette vérité cependant l’Allemagne n’a pas encore pris son parti. Elle édite des cartes impérialistes où Mulhouse et Colmar,