Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/704

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voilà le fond et la synthèse du chef-d’œuvre Que ce soit un époux ou une épouse expirée, que ce soit la joie des sens ou celle de l’âme, que ce soit un être ou que ce soit une croyance, un sentiment évanoui, c’est son bien, tout son bien, que pleure, en les trois strophes immortelles, l’âme qui le possédait et ne saurait se consoler parce qu’il n’est plus.


Un Tanagra dans la Galerie des Machines... C’est l’effet que nous produisit, il y a près de vingt ans, à l’Opéra, l’Enlèvement au sérail. La reprise récente n’a pas modifié notre impression. Le délicat chef-d’œuvre de Mozart, quelque chose comme une opérette de génie, demanderait un petit théâtre, un théâtre de cour, un peu plus qu’un salon, et de grands artistes. L’Opéra n’est pas tout à fait ce qu’il lui faut. Deux interprètes pourtant ont bien servi le maître divin. L’orchestre d’abord, sous la main et pour ainsi dire en la personne de M. Reynaldo Hahn. Et cela s’est vu, ou plutôt entendu tout de suite, dès les premières notes et jusqu’aux dernières. Mouvements, sonorités, nuances, silences même, M. Reynaldo Hahn connaît son Mozart et le connaît par les deux modes de la connaissance musicale, qui sont, vous le savez, l’intelligence et la sensibilité. Quant à Mme Ritter-Ciampi, le Mozart de l’Enlèvement au sérail, après celui des Noces de Figaro et de Cosi fan tutte eût été, j’imagine, heureux de l’entendre chanter Mozart. L’art de la grande cantatrice est toujours, aurait dit Mme de Sévigné, « d’une perfection et d’un agrément qui ne peut se représenter. »

Le livret de l’Enlèvement au sérail est à peu près de la même force, — et encore! — que celui de Cosi fan tutte. La pièce appartient au genre turc. Le pacha Selim a deux esclaves, Constance et Blondine, lesquelles ont deux amoureux, Belmont et Pédrille. Ceux-ci réussissent à pénétrer dans le sérail. Mais au moment d’en sortir avec leurs belles, ils se voient tous les quatre surpris, condamnés au supplice, puis graciés par le généreux pacha : « Retournez. » leur dit-il, « en votre patrie, et publiez partout ma clémence. » Il y a dans certains couplets de la Périchole un mouvement analogue : « Va dire, enfant, à ta tribu sauvage, » et ce qui suit. D’autre part, l’Enlèvement au sérail pourrait s’appeler comme Fidelio, mieux que Fidelio, (deux couples d’amants au lieu d’un), mais dans le genre bouffe, « l’opéra de la délivrance » par l’amour.

Quelques détails historiques ou légendaires de la vie de Mozart se rapportent à l’époque de la composition (1781) et de la représentation