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Je ne dis pas qu’il n’y ait, dans cette opinion, prônée à présent comme une doctrine, aucune espèce de vérité, aucune parcelle de vérité. Je serais tenté de le dire, par représailles, quand M. de Planhol écrit, à propos du marquis de Sade : « Si le marquis n’était qu’un fol et un dégénéré, il ne mériterait pas l’attention. Mais il a, dans l’histoire des idées, une singulière importance, pour ce qu’il nous montre le terme où aboutit la philosophie de la Nature. Luxurieux forcené, il la met au service de ses appétits ; et avec une logique imperturbable il tire, des principes que tout son siècle avoue, les conséquences qu’aucun homme avant lui n’a osé proclamer… » Le marquis n’est pas un bon écrivain ; mais quel logicien !… L’on dira que ce prétendu logicien n’est qu’un sophiste malade et qu’il a faussé la philosophie de la nature ? M. de Planhol reconnaît que l’histoire des idées contient beaucoup de telles aventures et que l’on voit très souvent de nobles doctrines ou ingénieuses, au moins honnêtes, se dévergonder en chemin, lorsqu’elles vont d’un penseur à la foule : on aurait tort « d’imputer aux inventeurs l’inintelligence et les contre-sens des disciples. » Assurément ! M. de Planhol ne veut-il pas admettre que la philosophie de la nature soit, dans l’œuvre de l’ignoble marquis, à l’état de caricature infâme ? Il ne l’admet pas du tout : « Le marquis n’a trahi sur aucun point la doctrine de ses maîtres ; et ce sont bien eux, les d’Holbach et les Helvétius, voire les Diderot, qui portent le péché de la sienne ; ils l’ont produite, comme ils ont produit la Terreur. » Voilà comme on argumente, si l’on s’est une fois promis de conclure sans timidité, quoi qu’il en fût des petits faits qui rendent la vérité moins évidente et moins rude. M. de Planhol ne voit-il pas qu’un dogmatisme si impérieux et absolu recommande le scepticisme et le recommande, non seulement aux idéologues badins, mais aux plus zélés et curieux amis de l’exacte vérité ?

L’on démontrerait sans difficulté que le sadisme est le contraire de la philosophie de la nature. Autant vaut constater que ce sont deux choses, l’une un peu déraisonnable sans doute, et l’autre immonde.

Virgile est citadin, quand il songe avec envie à la félicité des laboureurs. La poésie de la campagne, c’est à la ville qu’on l’invente. Et c’est aux époques d’une civilisation terriblement raffinée, que l’on rêve de retourner à la simplicité, à l’ingénuité, à la nature.

Les gens du XVIIe siècle se sont crus les inventeurs de toute politesse. Ils considéraient le précédent siècle comme une espèce de barbarie. Les manières d’autrefois leur semblaient fort laides et, la