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Vede et Vaugaudry : ses hommes ont même couru la poule jusqu’au pressoir Billard. Ponocrates ouvre un sage avis : celui de se rendre près du seigneur de La Vauguyon, — René Le Petit en 1644. — De là, Gymnaste et Prelingand, l’écuyer de La Vauguyon, iront aux nouvelles… Revenus, ils renseignent Gargantua, qui se remet en route avec ses compagnons et, en passant, détruit le château de Vede en quelques coups ; c’est à peu près le seul épisode de toute la guerre picrocholine où il nous apparaisse comme un géant.

Faute de bonnes cartes anciennes, il est difficile de savoir exactement où Rabelais situe ce château et le bois du même nom. Essayons. Tripet et sa troupe, venant de La Roche-Clermaut, doivent atteindre successivement le bois de Vede, Vaugaudry (commune de Chinon) et le pressoir Billard (aujourd’hui confondu avec le hameau de Saint-Lazare), dit notre texte. Au contraire, nous verrons Gargantua, parti de Parilly, démolir le château de Vede, puis passer le gué et parvenir à La Devinière. Approximativement, Rabelais doit donc placer le château de Vede dans un petit bois où les cartes modernes indiquent la ferme de Rigaud ou Rigod, sur la hauteur, et en ce cas la pente des coteaux expliquerait assez que le « déluge urinal » de la gigantesque jument, coulant jusqu’au Négron, vienne noyer au gué les fuyards de la troupe de Tripet (ch. xxxvi). — Mais on peut tout aussi bien admettre qu’il n’a jamais existé en réalité le moindre lieu-dit de ce nom, — du moins à cet endroit, car Gaucher de Sainte-Marthe possédait un domaine appelé le Bois de Vede à dix kilomètres de là, dans la commune d’Anché : il est possible que Rabelais ait transporté en imagination la propriété de son ennemi sur le théâtre de la guerre pour se donner le plaisir de le faire ruiner par Gargantua.

Quoi qu’il en soit, la forteresse démolie, le héros continue son chemin, passe le gué de Vede, arrive au château de Grandgousier qui l’attendait en grand désir et le reçoit avec grande joie. Et, tandis qu’on prépare le repas, il sort dans le jardin pour cueillir lui-même des salades : c’est ici que se place l’épisode des pèlerins.

De même que nous nous rendons pieusement aux cliniques des médecins réputés pour en obtenir quelque soulagement à nos maux, de même nos pères, munis du grand bâton et coiffés du chapeau à coquilles, allaient implorer dans leurs sanctuaires