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L’ordre assuré par le mandat ainsi que la sécurité garantie pour les biens, referont le milieu nécessaire à la renaissance de ces pays morts et qui réservent à la charrue de vastes espaces inutiles depuis l’antiquité. Il est difficile d’évaluer la superficie cultivable des pays sous notre mandat : elle s’étend très loin au Nord-Est dans la Haute-Mésopotamie, où les pluies sont suffisantes pour permettre une grande extension des cultures. La mission française de Syrie et de Cilicie, organisée en 1919 par les Chambres de commerce de Marseille et de Lyon ainsi que par l’Université de Lyon, et dont la direction a été confiée à M. P. Huvelin, professeur à la Faculté de droit de cette ville, estimait à quelque 5 millions d’hectares les étendues qui pourraient, dans la Syrie propre, être mises en culture. A l’heure actuelle, on ne laboure même pas un cinquième de cette superficie. A cet égard, la vieille terre de Syrie, où dorment les restes de tant de civilisations, est donc une terre vierge : les méthodes du « dry farming, » l’emploi des machines permettront de la féconder avec une rapidité qui eût été autrefois impossible : les plaines immenses qui couvrent tout le Nord et tout le Centre de la Syrie, à l’Est de la chaîne littorale, se prêtent à la grande culture mécanique. On estime à 3 millions de tonnes de blé les quantités qui pourront être produites le jour où le sol syrien serait vraiment utilisé. Deux millions de tonnes seront alors disponibles pour l’exportation et sortiront en majeure partie par Alexandrette. Le blé n’est d’ailleurs pas la seule production d’un pays où l’on récolte toutes les céréales, où l’on trouve de la laine et de la soie et qui, ce qui est particulièrement intéressant pour nous, pourrait produire une notable partie du coton dont ont besoin les filatures françaises, pour lesquelles l’achat du coton américain devient de plus en plus difficile. Le coton suppose des terres irriguées: dans la plaine d’Antioche, dans la vallée de l’Oronte, dans le chapelet des plaines littorales, et, plus tard, dans la vallée de l’Euphrate à l’Est d’Alep, de grandes surfaces pourront être livrées à l’irrigation. Certains travaux sont déjà étudiés et pourront être réalisés par des sociétés fondées en associant des capitaux français aux capitaux indigènes et en utilisant pour la direction des techniciens français.

On objectera peut-être que le mandat exclut toute idée de monopole constitué au profit du pays mandataire. Mais il n’en constitue pas moins comme une atmosphère très favorable à