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toute une série d’attentats et de brigandages dans la zone que nous devions garder, pour démontrer à la population qu’elle avait tout à perdre à notre présence, faire croire au monde que nous étions incapables de maintenir l’ordre, déconcerter et lasser l’opinion française en lui donnant à penser que nous étions en présence d’un pays ennemi qu’il faudrait indéfiniment contenir à grands frais. L’Émir était si peu étranger à ces attentats qu’en janvier 1920 il dit au général Gouraud, sans la moindre ingénuité d’ailleurs et pour se faire admettre comme l’homme nécessaire, qu’il les avait organisés pour exercer sur nous une pression. Peut-être, à vrai dire, était-il l’instrument d’une politique dont il serait sans doute très injuste de faire remonter la responsabilité jusqu’au Gouvernement de Londres, mais qui fut certainement celle de beaucoup de ses agents dans le Levant, dont l’un n’hésita pas à dire à un notable syrien : « Nous saurons bien dégoûter la Syrie de la France et la France de la Syrie. »

L’étonnant, en présence d’un système qui faisait de Fayçal le symbole et l’instrument de l’hostilité contre la France, n’est pas que nous ne nous soyons pas entendus avec lui, mais, que nous ayons si longtemps essayé de nous entendre. Nous avions aidé le fils du Chérif Hussein en lui fournissant quelques officiers et un détachement algérien qui formèrent le noyau le plus solide de la petite force qui, à la fin de la guerre, tint sous l’Emir la campagne dans le désert à l’Est de l’armée Allenby. Nous n’avions aucune prévention contre lui et nous aurions usé de son Gouvernement aussi bien que de tout autre. Sans doute il n’avait à mettre à notre service aucune autorité sur le pays. C’est même probablement pour lui en donner que ses protecteurs britanniques le firent entrer à Damas, avec sa petite force, avant toutes les troupes anglaises ou françaises. Il était en effet nécessaire d’imposer au pays un personnage qu’il n’attendait et ne désirait pas. S’il y avait eu, en Syrie, avant et pendant la guerre, un mouvement de nationalisme arabe, celui-ci se serait fort bien accommodé d’un Gouvernement local indépendant des Turcs. Il ne tendait pas le moins du monde au règne d’un chérif hedjazien sur Damas, ni à la constitution d’un empire au profit de Hussein et de ses fils. L’installation de l’Emir fut chose artificielle : et c’est peut-être pour se justifier et susciter des passions sur lesquelles elle pourrait s’appuyer, qu’elle fut suivie