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marierai de cette manière moins difficilement, car je pourrai amener des jeunes gens chez moi, et certes, ce n’est pas la vue de son père qui les déterminerait à entrer dans une famille dont il est le chef; ce n’est pas non plus son adresse qui les y déterminerait, il n’a jamais su que mettre les bâtons dans les roues que j’étais parvenue à faire mouvoir. — Enfin, si les jugements du monde pouvaient entrer pour quelque chose dans ma détermination; je sais ce que penseront toutes les personnes qui connaissent M. de Berny; mes filles elles-mêmes conseillaient plutôt le pour que le contre (peut-être auront-elles changé d’avis). Quant à mes fils, je sais ce que pensera Antoine. Armand[1]ne désire rien autre chose en ce moment que cette séparation; ainsi qui pourrait donc m’y faire renoncer? M. Berny tout seul, s’il lui prenait fantaisie de me retirer sa procuration ; mais j’espère qu’il ne l’osera pas. Néanmoins, cette pensée me forcera peut-être à retourner à Paris plus tôt que je ne le croyais, car il faut être là pour éviter cela. — Ami, ce deux épanchement m’a un peu calmée, et m’a doucement fait patienter une demi-heure.


Mercredi.

Mes enfants sont arrivés tous deux hier; je t’envoie mon bavardage pour que tu sois au fait de toutes mes pensées. — Quant à mon cœur, tu sais, j’espère, tout ce qu’il renferme pour toi. — Reçois mille baisers, ami, le piéton attend, à plus tard tout ce que mon cœur peut te dire. — Adieu[2].


IX

[Mercredi, ] 18 [juillet 1832.]

Alexandre vient de partir pour Clamecy où il a affaire, et je l’avais chargé d’une lettre pour toi, afin qu’elle t’arrivât plus tôt; je t’y exprimais toutes mes inquiétudes sur ton sort, elles ont été vives et cruelles; oh ! chéri, dix longs jours sans te lire ! c’est trop pour ma tendresse.

J’ai enfin reçu ta lettre du 13, et j’ai repris celle que je t’envoyais et dont plus de la moitié ne signifiait plus rien.

  1. Armand-Marie de Berny, né à Paris, le 2 octobre 1811, mort à la Bouleaunière le 23 novembre 1835.
  2. Balzac, quand il reçut cette lettre, était, à Saché, l’hôte de M. de Margonne.