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quand tu n’es pas là, je suis seule, et maintenant c’est bien souvent. — Mille baisers — oh! qu’un seul donné sur tes chères lèvres vaudrait mieux que ceux-ci ! !


VI

Dimanche [, 24 juin 1832.]

Je suis persuadée que je recevrai une lettre de toi aujourd’hui, car j’en ai eu certain avertissement nocturne qui ne me trompe jamais. Chéri, tant que mon âme tiendra ainsi à la tienne, par ces liens invisibles et inexplicables, je ne me croirai pas tout à fait malheureuse : et cependant je ne ferai partir cette lettre que lorsque j’aurai certaine réponse qu’il me faut pour bien connaître la véritable situation dans laquelle tu me laisses près de toi ; car il me faudra peut-être bientôt changer de langage; et je t’avoue que, si tu ordonnes à mon cœur de se taire, le silence que tu lui auras imposé me semblera moins pénible que celui auquel je veux inutilement le condamner moi-même. Je me suis mille fois torturée en vain, mais j’ai dans ce combat reconnu comme toujours ta supériorité : tu es encore mon maître, et j’attends l’arrêt de ta volonté toute souveraine. Or, comme il ne m’est pas encore connu, quel qu’il soit, je me crois toujours ta chérie, et le fais toutes nos caresses accoutumées. Je suis toute à toi, toute ton Eve.


VII

Lundi [, 25 juin 1832.]

Oui, elle était en chemin, cette chère lettre, mon bon génie ne m’a pas trompée, et je l’aurais reçue hier si tu me l’eusses adressée ici directement, comme tu aurais dû le faire, puisque tu avais mon adresse. — Tu m’aimes! je suis toujours ta chérie aimée! ta chère étoile! ta Didi idolâtrée! — oh! ami, mon cœur ne te demande plus rien, mais les assurances de ton cher amour sont venues le tourmenter d’une autre manière. Je t’ai encore affligé de nouveau! Oh! chéri, cette pensée est une souffrance, et quoique ta chère âme devine en ceci toute la mienne, et voie clairement que la force de mon amour soit la seule cause de mes inquiétudes, et par suite de mes injustices, que ta divine bonté appelle justices, je ne me pardonne pas