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Adieu, désormais je ne t’écrirai plus que comme à une amie. Encore, je te cacherai le tiers, la moitié de mes sentiments puisqu’il le faudrait ne plus être un ami ! et alors j’en meurs!...

Dès aujourd’hui je dis vous, je dis: madame, pour toujours, et jamais ma plume ni ma langue ne diront une idée qui ne soit de la plus sincère amitié. Seulement, je supplie que l’on respecte le malheur, et qu’on ne se permette jamais de soulever le masque qui me couvrira, puisque je le garderai toujours.

Ainsi, la cendre est jetée sur le feu; il se courrouce et lance ses dernières flammes; bientôt, il sera couvert, mais alors il ne faudra pas le plaindre de sa couleur terne et grise, et en voyant le lis coupé sur la tige, il ne faudra pas s’écrier : quel dommage !


VIII


[Villeparisis,] lundi matin [1822.]

Que d’amour !... J’en devrais être fier : je le suis, si je veux être franc, mais j’ai honte de moi. Jamais mon bonheur, si j’en ai goûté, n’a chagriné personnel Eh! ce serait aujourd’hui que, vil égoïste, je détruirais celui d’un être dont la douleur vue pendant une seconde me ferait lui sauter au cou, et lui dire : Pardonnez-moi, j’étais un méchant, et c’est à moi seul à souffrir.

Si vous veillez, si vous souffrez, apprenez que je souffre et que je veille, qu’hier au soir j’ai été au martyre, que j’avais la fièvre comme toute la journée, qu’enfin au comble du bonheur, ce bonheur m’assassine, parce qu’il doit affliger un être qui vaut mille fois plus que moi. Et vous l’auriez aimé à la longue !


IX


[Villeparisis,... 1822.]

O Laure, c’est au milieu d’une nuit pleine de toi, au sein de son silence et poursuivi par le souvenir de tes baisers délirants, que je t’écris, et quelles idées puis-je avoir? tu les as toutes emportées. Oui, mon âme tout entière s’est attachée à la tienne, et tu ne marcheras désormais qu’avec moi.

Oh! je suis environné d’un prestige tendrement enchanteur