Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/593

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le cachet qui me servait pour Mme de Berny. J’ai fait vœu de porter cette bague à mon doigt. »


* * *

Telle fut la touchante histoire de la Dilecta. Rappelée au lecteur[1], elle lui fera mieux goûter, pensons-nous, la correspondance des deux amants. Correspondance bien mince, en comparaison des lettres à Mme Hanska ! Car, plus discrète que l’Étrangère, la Dilecta voulait emporter dans la tombe les témoignages et les secrets de son amour; elle avait ordonné de les brûler, et c’est par hasard, contre sa volonté, qu’il en reste quelques épaves.

Mme de Berny mourut, comme il a été dit, au matin du 27 juillet 1836 et son fils Alexandre écrivait le soir même à Honoré :

Voici une lettre de deuil, cher Honoré ; après dix jours de souffrances nerveuses très aiguës, d’étouffement et d’hydropisie, notre mère a succombé ce matin à neuf heures.

Sa vie était bien remplie, à cette bonne mère, elle est sans doute bien calme à présent. Demain, à dix heures elle sera déposée en terre à côté de son Armand, dans le cimetière de Grès[2]. Avant sa maladie, elle classa ses lettres et en fit trois paquets ; un de ces paquets contient toute votre correspondance avec elle depuis qu’elle vous connaissait. Ce paquet ficelé avec de la laine et entièrement clos, j’ai l’ordre formel de l’incendier aussitôt après sa mort. Dans une heure j’y mettrai le feu.

Il se trouve ici beaucoup de papiers de votre écriture, classés dans des feuilles qui portent le titre de manuscrits; dans quelques jours je vous en donnerai le détail.

Adieu, cher Honoré, je ne puis rien vous dire, vous le savez.

27 juillet 1836.

ALEXANDRE.

  1. Qui devra compléter notre récit par les pénétrantes études et les documents de toute sorte que contient sur la Dilecta, cette nouvelle édition de la Jeunesse de Balzac, mentionnée plus haut. Il devra également y joindre la délicate monographie de Mme Geneviève Ruxton, la Dilecta de Balzac. (Paris, Plon, 1909, in-12). Qu’il nous permette enfin de lui signaler que, prochainement et grâce à de précieuses indications de M. Hanotaux, nous reprendrons dans tous ses détails, en collaboration avec notre ami M. Philippe Remond, la question de Balzac à Villeparisis en 1822.
  2. Commune de canton de Nemours, sur laquelle était située la Bouleaunière.