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de Chimay et du Saint-Empire romain, grande d’Espagne de la première classe et dame d’honneur de la Reine, lesquels et le père ont signé avec nous. Le duc de Fronsac; Fitz-James, princesse de Chimay; Hinner; Jacob, curé. »

Louise-Antoinette-Laure, la future Mme de Berny, fille de Hinner, un Allemand de Wetzlar, le harpiste préféré de Marie-Antoinette et de Mlle Quelpée de Laborde, femme de chambre de la Reine, entrait donc dans le monde en filleule de Louis XVI et de Marie-Antoinette! Un pair de France et une grande d’Espagne l’avaient tenue sur les fonts baptismaux. Le voile qui couvrait ses origines se soulevait.

Les recherches se poursuivent et la vie de la Dilecta se reconstitue devant nous. Elle a sept ans lorsque son père meurt en 1784 ; trois ans après, sa mère se remarie au chevalier de Jarjayes. « Faut-il insister, demande M. Hanotaux, sur le chevalier de Jarjayes? C’est assurément l’un des personnages du parti royaliste les plus connus pendant la Révolution. Lisez Eckart, Goncourt, Gaulot, Campardon, Lenôtre, Funck-Brentano et notamment l’abbé Allemand et vous connaîtrez par le menu l’histoire du vaillant champion de la Reine, de l’homme qui fit tout pour essayer de la délivrer... » Mme de Jarjayes avait participé à toutes les tentatives de son mari, et en 1793 la Reine avant de mourir envoya à son ancienne femme de chambre, en suprême témoignage d’affection et de reconnaissance, une mèche de ses cheveux et les deux anneaux d’or qui pendaient a ses oreilles. Quels souvenirs pour la jeune Laurel Et l’on pense instinctivement à l’Episode sous la Terreur! Le 8 avril 1793, notre Dilecta épouse à quinze ans et dix mois, en pleine Terreur, celui dont elle devait porter le nom toute sa vie, Gabriel de Berny, jeune homme de vingt-quatre ans, appartenant à une excellente famille. La première année du mariage n’est pas écoulée que jeunes mariés et parents sont jetés en prison et n’en sortent qu’à la chute de Robespierre. De son mariage, Mme de Berny eut neuf enfants, dont peu survécurent, mais sa vie conjugale ne fut pas une vie de bonheur; elle était instruite, intelligente, sentimentale, vraie fille du XVIIIe siècle à son déclin, et M. de Berny, dit-on, capricieux et atrabilaire.

C’est en 1822 qu’elle connut Balzac. Elle avait quarante-cinq ans et venait, avec son mari, conseiller à la Cour royale, et ses enfants, passer l’été en Seine-et-Marne, à Villeparisis.