Une série de lettres ou brouillons de lettres, échappée à la destruction, épave de la correspondance amoureuse de Balzac et de Mme de Berny, la Dilecta, va être publiée ici pour la première fois. Il nous semble opportun de rappeler, auparavant, à grands traits, l’histoire de cette admirable amie du romancier, et tout d’abord l’histoire de la découverte si curieuse qui nous a révélé son exacte personnalité : comment une rencontre fortuite, patiemment et ingénieusement exploitée, la fit sortir des ténèbres.
Lorsque parut, dans le Journal du lundi 25 février 1901, le quatrième article d’une série intitulée : Balzac imprimeur, le grand Vicomte des Balzaciens, celui qui savait tout de Balzac, le vicomte Charles de Spœlberch de Lovenjoul, saisit aussitôt sa plume pour écrire à M. Gabriel Hanotaux cette lettre enthousiaste :
Ah! cher ami, que votre quatrième article madone transporté! Vous m’avez appris là ce que je cherchais depuis trente ans! Cette fois, nous la tenons, et l’amoncellement d’erreurs, de nuages, de légendes qui entouraient la dame, s’est évanoui pour toujours. A la lettre, j’ai bu votre encre par les yeux, et je vous réponds que pas un de vos lecteurs n’aura savouré aussi profondément que moi, ni ne se sera aussi gloutonnement gavé du régal unique que vous avez servi là aux Balzaciens...
La dame que des mains pieuses et habiles venaient de dégager des nuages et des légendes qui obscurcissaient son tendre visage n’était autre que la Dilecta de Balzac, cette