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premier de l’artiste. Ces trois directions étaient connues: la guerre n’a fait qu’élever les voix de quelques tons.

Sans me hasarder à d’inutiles pronostics, il me semble que si la guerre doit influer sur la littérature, elle le fera en tranchant la question pendante, dont j’ai parlé, entre le classicisme et le romantisme. Elle la tranchera surtout par le tour qu’elle donnera à l’éducation nationale. La guerre a fait réfléchir les Français sur le fort et le faible de la mentalité créée en eux par les dix siècles de leur civilisation. Ils ont conçu la nécessité de confirmer chez eux certaines qualités ou de détruire certains défauts : ce qui ne se peut que par une réforme de l’éducation nationale.

Les uns regardent la victoire. Elle est si belle! Ils regardent le combat. Il a si bien fait éclater l’héroïsme de la race, ses qualités essentielles d’enthousiasme, d’honneur, de sacrifice, de souplesse, de vive intuition, d’agilité débrouillarde! On dit « Nous sommes une race chic. Notre victoire est la victoire de l’esprit latin sur l’esprit germanique, la victoire de l’intelligence, de la sensibilité, du goût, sur la science pédante et le mécanisme organisateur. Développons donc en nous les qualités natives, les qualités de notre tradition et de nos origines que nos enfants soient des « latins » comme ont été nos pères, comme nous sommes nous-mêmes. N’ayons pas trop de contacts avec les étrangers, ne nous gâtons pas par les cultures étrangères. Formons la France de demain à l’image de la France d’autrefois et de la France d’aujourd’hui. » On admet que nous nous suffisons à nous-mêmes et que nous ne pouvons que gagner à nous concentrer en nous-mêmes.

Les autres regardent la dureté du combat et le coût de la victoire. « Nous avons failli périr. La patrie et la civilisation française ont couru le plus grand risque qu’elles aient couru depuis quatre ou cinq siècles Elles ne se sont sauvées que par la ruine de nos plus riches départements, par la perte d’un million et demi d’hommes jeunes, élite de l’intelligence et du travail, qui auraient été la force de la France de demain. Pourquoi tant de péril? Pourquoi tant de sacrifice? Parce que nous avons été ignorants et imprévoyants. Nous n’avons pas connu l’ennemi, ni sa préparation, ni sa volonté certaine de guerre. Nous n’avons pas connu, nous n’avons pas préparé les moyens indispensables de la guerre moderne. Nous avons laissé nos