y avoir, chez nous, à leur contact, une explosion de couleur.
Mais en y regardant de près, on s’aperçoit qu’il n’en fut rien ou que leur influence se réduisit a très peu de chose. D’abord, ces révélations ne furent pas aussi largement accessibles au public qu’on pourrait le croire. Beaucoup de chefs-d’œuvre, apportés des Flandres ou d’Italie, de 1794 à 1800, passèrent inaperçus, parce qu’on mit un temps infini à les exposer au Louvre. Quelques-uns même ne sortirent jamais des caisses où on les avait emballés et retournèrent, en 1815, dans leur pays d’origine, sans avoir pu ensemencer le nôtre. Beaucoup d’autres, quoique exposés dans la grande galerie du Louvre, demeurèrent à peu près invisibles, grâce aux faux jours de cet interminable tunnel, alors éclairé seulement par les fenêtres latérales, d’autant qu’ils étaient entassés du plancher jusqu’au plafond.
Toutefois, ce qu’on en vit alors eût bien suffi à convertir à l’Art vivant les pasticheurs de l’Antique, s’ils l’avaient pu être. Et, d’ailleurs, Rubens, tout seul, bien connu d’eux tous, suffisait. Il avait suffi, un siècle auparavant, à Watteau. Mais Watteau était préparé, par ses propres affinités, à écouter Rubens. David et ses élèves ne l’étaient pas. M. Ingres, encore cinquante ans plus tard, enjoignait à ses élèves de se cacher la figure en passant devant la Galerie de Médicis. Les plus belles découvertes du génie humain ne déterminent aucune orientation nouvelle chez des gens à qui une théorie a mis des œillères et qui s’interdisent telles ou telles jouissances d’art comme des péchés. L’esprit ne s’enrichit que de ce qu’il désire.
En fait, les jeunes artistes de la Révolution et de l’Empire n’étant friands que de l’Antique, n’eurent d’yeux que pour les statues venues de Rome. Parmi les dépouilles opimes, que les Parisiens virent défiler, le 9 Thermidor an VI, depuis le Jardin des Plantes jusqu’au Champ de Mars, alternant avec des lions en cage, des ours, des dromadaires et des chameaux, les seules œuvres qui devaient faire vraiment impression, une fois sorties de leurs caisses, étaient les Chevaux de Venise, l’Apollon du Belvédère et le Laocoon, — de Lessing, est-on tenté de dire, tant le verbiage du pédant y demeurait attaché. Le reste tomba comme le grain de l’Évangile sur la pierre ou la terre aride et ne germa point.
Ainsi, à cette question : qu’auraient fait les artistes de l’An VIII, sans la brusque offensive de Bonaparte contre leur