tirer parti de tout sujet en lui appliquant telle heureuse donnée esthétique, — laquelle seule importe, — mais le génie est rare, le talent est fréquent : il y en a chez les artistes de 1799, mais entièrement dévié par la théorie de l’Antique. Que fait David, en 1799 ? Il commence à peindre les Sabines. Que fait Gros ? Il rêve une Sapho à Leucade. Que font Girodet, Gérard, tous ceux qui doivent plus tard réaliser, au moins dans des portraits, quelque œuvre vibrante ? Ils s’enlizent de plus en plus profondément dans le pastiche du marbre et oublient de plus en plus les joies de la couleur.
Trois grands faits, cependant, auraient dû influer sur eux à cette époque : d’abord, l’arrivée au Louvre des chefs-d’œuvre conquis pendant les campagnes de Belgique et d’Italie, « la République acquérant par son courage ce qu’avec des sommes immenses Louis XIV n’avait jamais pu obtenir », selon le mot de Grégoire ; ensuite, les trouvailles de l’Expédition d’Egypte ; enfin la réunion des « antiquités françaises, » c’est-à-dire des morceaux de sculpture du Moyen-Age et de la Renaissance, tirés des églises et des châteaux dévastés et recueillis au dépôt des Petits-Augustins, à peu près l’emplacement actuel de l’Ecole des Beaux-Arts, côté de la rue Bonaparte.
Le premier de ces événements, inattendu et inouï dans l’histoire, nous apportait de quoi réveiller tous les instincts coloristes de notre école à l’appel des Flamands d’abord, puis des Vénitiens les plus somptueux. Le second élargissait l’horizon de nos ornemanistes et décorateurs, en fournissant de nouveaux modèles de style égyptien, — lequel était bien apparu avant la campagne d’Egypte, mais non point encore si bien connu. Le troisième fait nouveau entrouvrait le trésor des fantaisies et des complexités du gothique. Toute une gamme d’expressions, de gestes, d’effets entièrement oubliés, toute une science des plis et de l’équilibre particuliers à cette statuaire architecturale se pouvaient étudier dans ces salles, où Lenoir veillait avec un soin pieux, grave et inquiet. De même que le Louvre, cette immense collection était publique. Voilà donc, des deux côtés de la Seine, dès le Consulat, un jaillissement de Jouvence esthétique, de quoi ravir les jeunes imaginations et les transporter dans des mondes nouveaux. À lire la liste des Titien, des Rembrandt, des Véronèse, des Van Dyck, des Rubens, que nos troupes rapportèrent des pays conquis, il semble qu’il y ait dû