Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/517

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et soignée. » En conséquence de quoi, l’éloge le plus ému qu’il trouve à faire d’une peinture de maître est de la comparer à de la « véritable porcelaine. » Il est tellement impénétrable aux jouissances de la couleur, qu’il en vient à écrire ceci : « Tiepolo exécute plus en un jour que Mengs dans toute une semaine. Mais on a oublié les ouvrages du premier, aussitôt qu’on les a perdus de vue, tandis que les chefs-d’œuvre de Mengs font une impression aussi profonde que durable. » Et M. Ingres, plus tard, mettant en aphorismes les enthousiasmes de sa jeunesse et de toute la jeunesse en 1805, disait : « Ce qu’on appelle la touche est un abus de l’exécution. Elle n’est que la qualité des faux talents, des faux artistes, qui s’éloignent de l’imitation de la nature pour montrer simplement leur adresse. La touche, si habile qu’elle soit, ne doit pas être apparente. » Condamnation sans appel de Franz Hals, de Rembrandt, de Rubens, parfois de Véronèse. Ainsi donc, une teinte uniforme pour chaque figure ou objet, afin que l’attention ne soit pas distraite des perfections du dessin et une facture uniforme, afin d’éviter tout ce qui accroche la lumière et la fait vibrer, tel est « l’Art de l’avenir » au temps de David, de Fabre, de Gros, de Guérin, de Gérard et de Girodet.

En pratique, voici comme ils opéraient. Ils dessinaient avec soin toutes leurs figures entièrement nues, même celles qui devaient être vêtues, puis ils ébauchaient à la terre de Cassel. Pendant cette première partie de leur tâche, ils s’inquiétaient sans doute du rapport linéaire des figures entre elles et en composaient un ensemble qu’ils jugeaient harmonieux. Mais une fois le dessin fixé, ils oubliaient totalement l’ensemble : ils peignaient chaque morceau l’un après l’autre, sans se préoccuper du voisin et le poussaient jusqu’à son dernier fini, avant de passer au suivant. Le tout se raccordait comme il pouvait. Si les accords ainsi plaqués, chacun à part, étaient rigoureusement justes, une certaine harmonie pouvait s’en suivre, mais aucune pénétration ni interchange de couleurs du de reflets, nulle atmosphère. Quand l’artiste ne voyait plus de blanc sur sa toile, il s’apercevait que son tableau était fini. Il n’est guère possible d’imaginer une méthode plus fatale à la savoureuse couleur et à la belle matière. Et cette méthode, sauf chez Prud’hon, régnait partout.

Nous voyons maintenant quels principes absolus et