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l’harmonie des couleurs, il n’en est plus nécessairement de même dans les choses sorties de la main de l’homme. Ce qui est artificiel peut être beau ou laid, favorable ou rebelle à l’émotion. Mais s’il n’est pas vrai que tout spectacle, ou tout costume, ou tout accessoire contemporain, contienne une secrète beauté que l’Art puisse dégager, il n’est pas moins évident qu’il en est, et beaucoup, qui deviennent d’admirables thèmes pour qui sait s’en servir. Or, dans les ateliers et parmi les esthéticiens du Consulat, une théorie régnait, aussi impérative et aussi absurde, quoique diamétralement opposée, qui reposait, comme la théorie réaliste, sur un a priori entièrement faux : c’est que, seules, les formes reproduites par les Grecs : vêtements, armes, meubles même, étaient dignes de l’Art et que les aspects de la vie contemporaine ne les reproduisant pas, l’Art devait les proscrire impitoyablement. Les malheureux comme Watteau, Boucher, La Tour, Chardin, Greuze ou Fragonard qui s’y étaient voués avec délices étaient criblés de quolibets. « Rococo ! Pompadour ! » criaient les « fauves » de ce temps-là devant les fêtes galantes ou les intérieurs bourgeois de ces délicieux artistes. Pour eux, sous peine d’être « rococo, » c’est-à-dire démodé, défense de figurer les faits récents avec les figures et les costumes des contemporains.

À cette première proscription s’ajoutaient plusieurs autres, dérivées du même principe et touchant la composition, l’éclairage, le dessin, la couleur et la facture. Il fallait que tout cela fût l’antithèse directe des maîtres du XVIIIe siècle et, par la même occasion, sans que précisément on le proclamât, des maîtres de la Renaissance, — à plus forte raison de l’Espagne et de la Hollande. On faisait table rase. On reprenait l’art de la peinture au point où l’on croyait que les Grecs l’avaient laissé. Regardons quelqu’une des œuvres académiques de l’époque davidienne au Louvre, dans la petite salle Henri II et, à côté, dans la haute salle des sept cheminées, rapprochons-la d’une de ces œuvres du XVIIIe siècle, que nous voyons tout auprès dans la salle Lacaze et nous sentirons qu’en effet, un monde enchanté a disparu.

D’abord, la composition. Les maîtres du XVIIIe siècle groupaient. La composition chez eux est parfois surchargée, enchevêtrée, très mouvementée, çà et là, un peu maniérée. Les figures de Greuze sont en grappes : c’est parfois voulu, comme