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étaient nullement frappées. C’est que l’élan des quattrocentistes dans l’art pictural et la statuaire même n’était mêlé d’aucun sentiment de réaction, ni de mépris envers les écoles qui les avaient précédés. La Renaissance n’était pas une réaction ; c’était un épanouissement. Ce qu’elle cherchait dans l’Antiquité, jaillissante de terre, c’était plus de science, d’exubérance et d’ivresse, et nullement un frein ou une machine de guerre contre un autre art, quel qu’il fût. Là, est l’antinomie profonde entre la Renaissance et l’Académisme français et la raison pourquoi tous les deux puisant à la même source : l’Antique, l’une en a tiré une humanité vivante et l’autre un décalque et un poncif, où plus rien ne subsiste de l’originaire beauté.

Comment, maintenant, cette esthétique étrange s’est-elle formée chez David ? On dit, d’ordinaire, que c’est en consultant les maîtres italiens. Il est vrai que David l’a rapportée de son voyage en Italie, mais il n’était pas nécessaire qu’il la rapportât. On peut trouver en Italie des dieux fort divers, selon la foi qu’on y porte. Si David y eût porté des curiosités et des gourmandises de coloriste ; si, au lieu d’être David, il eût été Gros, ou Géricault, ou Turner, ou Reynolds, il en eût rapporté autre chose que des statues couleur de rose, manœuvrant leurs bras comme le télégraphe de Chappe, ou faisant le grand écart. Mais David n’était pas un friand de la couleur. Le fût-il jusqu’à un certain point, les fadeurs des Nattier, des Van Loo, des Drouais l’en avaient dégoûté. Aussi, ce qu’il allait chercher en Italie, vers 1775, n’était-ce pas l’enseignement des maîtres, quels qu’ils fussent, mais expressément ce qu’ils lui fourniraient d’antidote au maniérisme et au douceâtre qu’il voyait triompher à Paris. Ce n’étaient pas les opulences de la forme et de la couleur : c’était la force et la sobriété. Il courut donc là où il a cru voir de puissants effets de valeurs, de forts contrastes d’ombre et de lumière, du rude, du franc, du heurté. Les Bolonais, dès son arrivée, et Valentin l’attirent d’abord. Il les copie avec ardeur ; il prend avec eux un bain d’encre, de puissance et de rudesse picturales, qui le purifie des molles délices, des grâces roses et bleues de Boucher. Voilà sa première cure en Italie.

Mais ce n’est pas la seule. Quand il a bien oublié les blandices et les séductions de la couleur tendre avec les ténébreux de Bologne, voici qu’il s’évade de leurs ténèbres, il se