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CE QUE L’ART DOIT À NAPOLEON

Un jour, peu après Marengo, le Premier Consul fit venir David pour lui commander son portrait et, causant avec lui en présence de Lucien Bonaparte : « Que faites-vous en ce moment ? — Le passage des Thermopyles ! » dit le peintre en se hérissant d’enthousiasme. Cette belle réponse n’eut pas le succès qu’il en attendait. Bien des tâches paraissaient plus urgentes au Premier Consul que l’apothéose de Léonidas. Il s’ensuivit une discussion, où David fut fort éloquent s’il faut en croire son biographe, — et ce qui n’est guère croyable, — puis l’abandon provisoire du thème antique pour d’autres plus actuels. Comme Lucien sortait du cabinet dictatorial avec David, il lui dit : « Voyez-vous, mon cher, il n’aime que les sujets nationaux, parce qu’il s’y trouve pour quelque chose. C’est son faible… » Et, sans doute, tous deux déplorèrent, en s’en allant, le mauvais goût du Maître, qui allait dévoyer l’art en l’aiguillant du côté de la vie.

Que cette anecdote, contée longtemps après par un élève de David, soit exacte en tous ses détails ou non, elle a deux titres à être rappelée. Elle est vraisemblable et elle est topique. Elle s’accorde avec tout ce que nous savons du goût de Bonaparte pour les gestes de son époque et elle nous le montre aux prises avec l’engouement de son époque pour l’Antiquité. On le voit, là, dès sa prise du pouvoir, donnant à l’Art, comme à toute chose en France, le point de direction et le mouvement, et ce point de direction est diamétralement l’opposé de celui qu’on vise dans les ateliers et la critique Les enseignements de l’École, les esthétiques à la mode, les théories des jeunes artistes d’avant-garde, les Fauves de ce temps-là, qu’on appelait les