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effet, dans n’importe quelle contrée de la Méditerranée, un plus riche et un plus vaste ensemble de ruines romaines ? Comme je l’écrivais naguère, il dépend de vous de faire de votre Afrique, — outre le grenier d’abondance qu’elle commence à redevenir, — un immense musée en plein air.



Hommes africains, il vous semble peut-être que, pour vous dire cela, je me suis écarté de mon sujet, qui était la commémoration du grand Latin que fut Gustave Flaubert. Je ne m’en suis éloigné qu’en apparence. Ce que j’ai voulu montrer, à travers toutes ces considérations, c’est l’importance de son livre africain, c’est ce que j’appelle la fécondité de Salammbô. Non seulement il a été le premier qui nous ait rendu conscience de notre passé et qui ait tourné nos yeux vers nos origines, mais, encore une fois, il a illustré l’image d’une grandeur africaine qui, demain, peut renaître, si nous le voulons. Enfin, en dressant une ville imaginaire là où il n’y avait plus rien que des débris informes, il nous a rappris le chemin de la ville morte et il a rappelé la vie dans ses ruines. Si, aujourd’hui, une Carthage neuve est sur le point de surgir à la place de l’ancienne, c’est en partie au prestige poétique, dont il a environné le souvenir de la grande métropole africaine, que nous le devrons.

Jadis nos ancêtres avaient voué une véritable piété nationale à Virgile, pour avoir chanté la colline de Didon. Nos descendants, pour une raison pareille, honoreront Flaubert et lui consacreront des statues, comme au fondateur idéal, au héros éponyme de Carthage ressuscitée.


Louis Bertrand.