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burnous, est l’hôte naturel de vos villes mortes. Il ne fait pas tache sous le péristyle du temple de Dougga ou sur le capitole de Timgad. Il est le vrai descendant des citoyens en toge ou en pallium, qui élevèrent ces colonnes et qui sculptèrent ces architraves.

Et c’est pourquoi il faut que, tous, nous nous mettions d’accord pour sauver et pour restaurer, dans la mesure du possible, ce qui reste de ces vénérables monuments de votre passé. Il ne s’agit pas de rejeter ceci ou cela dans votre héritage, de sacrifier la mosquée au temple ou à la basilique, la villa mauresque à la villa romaine : tout cela d’ailleurs s’est fait avec nous, quelquefois chez nous, avec nos ouvriers, nos sculpteurs, nos peintres et nos architectes latins. Il s’agit encore moins de persécuter une tradition religieuse au nom d’une autre. Il s’agit uniquement d’une œuvre de beauté et de concorde, à laquelle il faut que vos gouvernants s’intéressent, parce que c’est une œuvre vitale.

Et d’abord, vous ne pouvez rien faire de mieux pour l’embellissement de votre terre que d’y ressusciter d’un bout à l’autre le magnifique décor monumental dressé par vos ancêtres latins, — et cela, en relevant et en restaurant tout ce qui mérite de l’être, en arrachant à leur linceul de sable et de décombres le peuple de villes mortes, qui jalonnent votre pays, de Volubilis la marocaine à Giglhi la tunisienne, et qui s’avancent jusqu’au bord de vos régions désertiques. Et vous ne pouvez rien faire non plus qui importe davantage à la concorde et à la paix de l’Afrique future. Chercher, entre les nouveaux venus et les anciens habitants du sol, un terrain d’entente dans le domaine religieux ou philosophique est une tentative extrêmement délicate, sinon fort périlleuse. Au contraire, nous pouvons nous unir dans le culte de nos antiquités communes, dans le souvenir des grandes choses accomplies ensemble. Jamais l’Afrique n’a été plus prospère, ni plus glorieuse qu’à l’époque où vos ancêtres latins et les nôtres étaient unis. Que l’exemple paternel nous excite à renouveler et à resserrer toujours davantage cette alliance si profitable.

J’ajoute que cette œuvre de résurrection serait une source de richesse pour le pays tout entier. Elle attirerait en Afrique les milliers de voyageurs qui, chaque année, se déversent sur l’Egypte, la Grèce, l’Italie, les pays du Levant. Où trouver, en