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M. Franklin-Bouillon, ancien député de Seine-et-Oise et ancien ministre d’État, qui avait employé à négocier la paix avec l’assemblée d’Angora une très intelligente activité. Le Gouvernement britannique, loyalement prévenu par le nôtre, avait donné, sous certaines conditions strictement définies, son assentiment à ces négociations. M. Franklin-Bouillon a longuement conféré avec Youssouf Kemal Bey et il a signé, le 20 octobre, à Angora, un accord qu’a ratifié le Parlement nationaliste ottoman. Il n’y a point à nous dissimuler que cette convention nouvelle nous impose d’assez durs sacrifices. Toutes les modifications apportées, soit au Traité de Sèvres, soit au protocole signé, le 11 mars, à Londres, entre nous et Békir-Samy Bey, sont faites à nos dépens. La frontière septentrionale de la Syrie est très sensiblement reportée au Sud. La ligne ferrée de Tchoban Bey à Nouseibine passe sous la souveraineté turque; elle est concédée à un groupe français, mais elle demeure propriété ottomane et la Turquie est autorisée à faire ses transports militaires sur la partie même de la voie qui reste française. Dans la région d’Alexandrette, nous consentons à l’établissement d’un régime administratif spécial et nous reconnaissons à la langue turque le caractère officiel. Nous restituons à la Turquie une partie du vilayet d’Alep. Bref, nous abandonnons de précieux morceaux de notre mandat sur la Syrie.

Il fallait, il est vrai, nous résigner à ces renonciations, du moment où nous étions forcés de réduire nos dépenses en Orient; mais il reste maintenant à savoir si la signature du traité d’Angora nous rend vraiment notre liberté. Nous ne sommes malheureusement pas encore débarrassés de tout souci. Dès qu’ils ont connu cette entente franco-kémaliste, les Arméniens se sont plaints d’être livrés aux Turcs et la presse anglaise nous a, d’autre part, vivement reproché d’avoir oublié trois actes diplomatiques qui nous liaient, disait-elle, envers la Grande-Bretagne : le Traité de Sèvres, l’Accord tri-partite du 10 août 1920 et la Convention franco-britannique du 23 décembre 1920. Le cabinet de Londres s’est lui-même ému des conditions auxquelles nous avions signé cette paix séparée et Lord Curzon a cru devoir présenter à notre ambassadeur, M. de Saint-Aulaire, des observations amicales, qui auront été, sans doute, câblées à M. Briand, mais que le Président du Conseil ne sera pas à même d’examiner à fond pendant son séjour à Washington.

Peut-être cependant voudra-t-il, sans attendre son retour, rappeler à nos amis d’Angleterre qu’ils ont eux-mêmes donné en Orient l’exemple d’une action isolée, soit lorsqu’ils ont installé Feyçal