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le même ton et racontent, à leur tour, des histoires de brigands, qui sont parfois accueillies, comme les premières, avec une touchante crédulité. On s’explique presque qu’au moment de s’embarquer pour les États-Unis, M. Briand ait dit à quelqu’un qui lui demandait s’il avait jamais eu le mal de mer: « Oui, une fois ou deux, à la Chambre des députés. »

Constatation non moins pénible : la politique intérieure a, dans les dernières discussions, repris le pas sur la politique nationale, comme si l’heure était revenue de nous quereller et comme si nous avions enfin gagné la paix! Jamais cependant nous n’avons eu un plus pressant besoin d’union. Comme il était aisé de le prévoir, le ciel ne se dégagera point pendant l’absence du Président du Conseil et les nuages qui s’accumulent peuvent, à tout instant, crever sur nos têtes.

Le rapport général de M. Maurice Bokanowski est venu à point pour attirer l’attention publique sur le redoutable état de nos finances. Suivant le mot de l’honorable député de la Seine, « le langage des chiffres dit assez haut, à qui sait le comprendre, toutes les souffrances d’hier et toutes les inquiétudes de demain. » Sans doute, la Commission de la Chambre a dressé le budget général de nos dépenses, sans avoir recours à des impôts nouveaux; et peut-être n’exagère-t-elle pas l’optimisme, lorsqu’elle considère que le problème budgétaire serait presque virtuellement résolu, si la France n’avait à faire face, cette année et les années suivantes, qu’aux dépenses dont la charge lui incombe normalement et si elle n’avait pas, en outre, à supporter les intérêts des sommes qu’elle est obligée d’avancer pour le compte du Reich, c’est-à-dire, d’une part, les frais de la restauration des régions libérées et, d’autre part, les pensions des blessés, des veuves et des orphelins de la guerre. Ces deux dernières catégories de dépenses, recouvrables l’une et l’autre sur les versements attendus de l’Allemagne, forment, dans nos écritures législatives, ce qu’on appelle le budget spécial.

Si nous n’envisageons pas seulement ce budget spécial dans son état actuel, et pour l’année 1922, mais dans son développement futur, nous y relevons, tout d’abord, une première cause de déficit : à supposer que l’Allemagne rembourse, tôt ou tard, les avances que nous faisons pour son compte, elle ne nous paiera jamais la totalité de nos dommages et de nos pensions. Les chiffres de l’ultimatum et de l’état de paiements du 6 mai sont, en effet, très inférieurs aux dépenses qui nous seront imposées. M. Bokanowski rappelle qu’au mois d’août 1919, M. Louis Dubois, aujourd’hui président de la Commission des