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dans le ciel, si injustement et si étrangement décrié parfois, de l’Observatoire de Paris.

En tout cas, la carte sélénographique de M. Le Morvan qui va m’aider à guider maintenant mes lecteurs au cours d’une brève promenade dans la lune, démontre sans réplique qu’à moyens instrumentaux égaux, nul Observatoire au monde ne fournit de documents comparables à celui de Paris, — non pas même les grands Observatoires de montagne des États-Unis.

Il n’est pas exagéré de dire que l’étude topographique de notre satellite est beaucoup plus avancée que celle du globe sur lequel nous vivons. Si la « géographie lunaire, » — qu’on me pardonne ce barbarisme excusable par ce temps de crise des humanités, — si la sélénographie, dis-je, a fait récemment des progrès remarquables, c’est grâce surtout à la plaque photographique qui est, comme l’a dit Janssen, la véritable rétine du savant. Par elle, au plaisir esthétique que la contemplation des paysages lunaires procure toujours aux amants des belles formes et des jeux ravissants de l’ombre et de la lumière, nous avons pu ajouter des enseignements du plus haut intérêt et qui nous montrent d’avance le sort réservé à notre terre.

Car la lune, à cause de sa masse 81 fois plus faible que celle de la terre, s’est refroidie beaucoup plus vite. Un gros fer à souder doit être plongé moins souvent dans le feu qu’un petit, pour garder la température utile. La lune a donc franchi avec une certaine rapidité, — en quelques millions de siècles seulement, — les phases fatales de l’évolution de tout astre. Elle est, si j’ose dire, une terre mort-née.

Et puis, en voyage, on se lie bon gré mal gré avec les compagnons que le hasard nous donne et l’on finit par se prendre pour eux d’une affection qui, pour être née des circonstances, n’en est pas moins sincère. C’est pourquoi dans cette sarabande silencieuse qui emporte je ne sais où les astres vagabonds, nous aimons de tendresse particulière notre voisine la lune. Elle seule presque, dans l’Univers, ne nous humilie pas par une masse et une importance supérieures aux nôtres. Cela nous relève à nos propres yeux d’avoir, dans le cortège solaire, où nous faisons si piètre figure, cette suivante muette et docile.

A vrai dire, nous ne parlerons pas ici de la lune tout entière, mais seulement de celui de ses hémisphères qui est sans cesse tourné vers nous, puisque la lune met exactement le même temps à l’aire un tour complet autour de la Terre qu’à faire une rotation sur elle-même.

On sait aujourd’hui très bien pourquoi il en est ainsi : de même