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REVUE SCIENTIFIQUE

PROMENADE LUNAIRE

Le croissant lunaire est toujours une chose charmante, surtout quand, à peine naissant, il est si fin, si délicat, qu’on dirait un long fil recourbé qui, de la paupière de quelque déesse blonde, serait tombé dans l’azur.

L’autre dimanche soir, les gens distraits, les seuls qui, d’aventure regardent en l’air ont pu voir un spectacle plus rare encore. La lune, pleine et au comble de sa rotondité, s’est, en quelques quarts d’heure, avec une rapidité insolite muée en un fin croissant dont l’épaisseur égalait à peine un quinzième du diamètre lunaire.

Quelle était donc la cause de cette transformation étonnante qui, en peu de minutes, faisait se succéder deux phases lunaires séparées à l’accoutumée par près de deux semaines? Tout simplement une éclipse partielle de lune. Notre satellite pénétrait ce soir-là dans le cône d’ombre que la terre, éclairée par le soleil, traîne derrière elle, et c’est notre habitacle terraqué projeté en ombre chinoise sur le visage épanoui de Phœbé qui, pour un moment, en réduisait la circonférence à un mince croissant.

Du coup, les gazettes ont consacré à la lune quelques-unes de leurs lignes, et le public fut incité à se souvenir, quelques heures durant, qu’il y a d’autres problèmes encore dans le monde, d’autres sujets d’étude que le prix des denrées et la question de savoir à qui ira l’argent des mines du Monomotapa.

Dans l’introduction de la précieuse traduction d’Archimède qu’il vient de publier[1], M. Ver Eecke cite ce jugement de Plutarque sur

  1. Œuvres complètes d’Archimède, traduites du grec par Paul Ver Eecke, Desclée, de Brouwer et Cie.